Beaucoup de dirigeants et de managers constatent un manque d’efficacité de leurs équipes et se demandent ce qu’ils pourraient bien mettre en œuvre pour y remédier. En 2012, Google lance le projet Aristote dont l’objectif est précisément de comprendre le secret des équipes efficaces. La réponse est déconcertante de simplicité…
En 2012, des chercheurs de Google se lancent dans une étude approfondie. La question est simple : découvrir le secret des équipes efficaces. Le projet recevra le nom de code Aristote, nom inspiré par la citation ci-dessous attribuée au célèbre philosophe grec.
« Le tout est plus grand que la somme des parties »
Aristote
L’étude
180 équipes de Google dont 115 équipes de projet et 65 équipes de vente firent l’objet de cette recherche. Leur efficacité fut évaluée sur base de 4 critères :
- L’évaluation de l’équipe par le management ;
- L’évaluation de l’équipe par le chef d’équipe ;
- L’évaluation de l’équipe par les membres de l’équipe ;
- La performance de l’équipe comparée aux objectifs trimestriels.
L’étude adopte à la fois l’angle de la composition de l’équipe (personnalités, compétences, démographie…) et de sa dynamique (fonctionnement de l’équipe, atmosphère…).
Les résultats
Après avoir appliqué 35 modèles statistiques sur des centaines de variables, les conclusions de l’étude montrent que les conditions qui rendent une équipe efficace sont par ordre d’importance :
- La sécurité psychologique : chacun peut prendre des risques, donner son avis, se tromper, échouer sans que ses collègues ne le jugent ou le considèrent comme incapable, ignorant ou idiot, sans que cela n’ait de conséquences négatives pour lui dans l’entreprise.
- La dépendance : chaque membre de l’équipe peut compter sur les autres et les autres peuvent compter sur lui. Quand quelqu’un prend un engagement, il le fait.
- Structure et clarté : les objectifs et les attentes sont clairs et les moyens pour les réaliser sont disponibles.
- Le sens : la mission de l’équipe a du sens pour chacun.
- Impact : ce que l’équipe réalise change les choses et contribue à la réalisation des objectifs de l’entreprise.
La condition première pour qu’une équipe soit efficace est donc la sécurité psychologique. Cette condition ressort de l’étude comme étant de loin la plus importante.
Quelle est la réalité qui se cache derrière ce terme un peu technique de « Sécurité psychologique » ? En fait, il s’agit simplement de gentillesse ou encore de bienveillance des membres de l’équipe entre eux et du management vis-à-vis de chacun. De façon plus large, il s’agit d’amour, cette « chose » dont chaque être humain a le plus besoin et que les entreprises ont tellement de mal à intégrer. Alors qu’est-ce que l’amour dans le monde du travail ? Peut-être simplement le fait de s’accueillir telles que nous sommes, sans jugement, sans comparaison, sans évaluation et permettre à l’autre et à soi-même d’être pleinement nous-mêmes, d’apporter tout ce que nous sommes sans se croire obligé de laisser 80% de notre être (et donc de nos richesses) à la porte de l’entreprise.
« L’amour est la condition n° 1 pour qu’une équipe soit efficace »
D’après les auteurs de l’étude, les personnes qui se sentent psychologiquement en sécurité (qui se sentent aimées) :
- Présentent une probabilité plus faible de quitter Google ;
- Sont plus ouvertes aux idées de leurs collègues ;
- Génèrent plus de revenus ;
- Sont considérées comme efficaces par leur manager deux fois plus souvent que les autres.
Pour renforcer cette sécurité psychologique, Amy Edmondson, professeur à Harvard, propose aux managers trois axes :
- Considérez le travail comme un processus d’apprentissage, non pas comme la résolution d’un problème (dans un processus d’apprentissage, se tromper est source d’approfondissement, expérimenter est conseillé…) ;
- Reconnaissez vos faiblesses, vos limites et vos échecs : « je ne suis pas infaillible » ;
- Cultivez la curiosité et posez beaucoup de questions.
Beaucoup de managers opposent le confort psychologique à la prise de responsabilité. Pour eux, si dans l’équipe règne un climat de gentillesse et de bienveillance, plus personne ne se battra pour faire avancer les choses et se dépasser. Vu les résultats de l’étude de Google, il s’agit d’une croyance, pas d’une vérité. L’amour n’a-t-il pas été à la base des plus grands dépassements de l’être humain (l’amour de son pays, de ses enfants, l’amitié…) ? Amy Edmondson met cette question en perspective en présentant le quadrant ci-dessous :
S’il n’y a ni sens des responsabilités, ni sécurité psychologique, rien ne bouge, c’est la zone d’apathie. S’il n’y a que de la sécurité psychologique sans sens des responsabilités, l’équipe vivra comme au « club Med » sans produire de résultats. Dans la majorité des entreprises, la pression et la responsabilisation est élevée, par contre la sécurité psychologique est faible ce qui génère une situation de stress bien connue de tous : c’est la zone d’anxiété. La situation souhaitée est donc de combiner un niveau élevé de sécurité psychologique et de sens des responsabilités. C’est ce que Amy Edmondson appelle la zone d’apprentissage, une zone où chaque question est accueillie comme la possibilité pour tous de clarifier la situation, où chaque remise en question est une opportunité de s’ajuster, où chaque erreur est une école pour aller plus loin.
Pour aller plus loin…
Google propose à ses équipes un outil d’autoévaluation de sa propension à l’efficacité en demandant une évaluation sur une échelle de 1 à 5 (pas du tout d’accord à tout à fait d’accord) des 5 questions suivantes :
- Sécurité psychologique – “Si je fais une erreur, elle ne sera pas retenue contre moi. ”
- Dépendance – “Quand mes collègues s’engagent à faire quelque chose, ils le font effectivement. ”
- Structure et clarté – “Notre équipe a un processus de décision efficace.”
- Sens – “Le travail que je fais pour mon équipe a du sens pour moi.”
- Impact – “Je comprends comment le travail de mon équipe contribue aux objectifs de notre entreprise.”
Les résultats de cette enquête constituent une excellente base pour initier un travail avec chaque équipe.
Enfin, pour faire vaciller certaines croyances, l’étude révèle également des facteurs qui n’ont pas d’influence sur l’efficacité pour les équipes de Google (Google ne dit pas que ces conclusions sont valables pour toutes les organisations). Je vous les livre en vrac :
- Le regroupement (le fait que tous les membres de l’équipes travaillent au même endroit) ;
- Les décisions par consensus ;
- Le côté extraverti des membres de l’équipe ;
- La performance individuelle ;
- La quantité de travail ;
- La séniorité
- La taille de l’équipe ;
- L’ancienneté.
Faites l’enquête dans vos équipes et mesurez leur niveau d’efficacité potentielle. Si le résultat confirme un haut niveau de sécurité psychologique, continuez à la cultiver. Si par contre, les réponses sont plus nuancées, c’est une bonne nouvelle : vos équipes ont de fortes marges de progrès.
Effata Coaching et Management-Humain-Durable créé pour vous un programme inspiré par l’étude de Google et ayant pour objectif d’aider une équipe à faire son diagnostic et à définir ensemble les évolutions nécessaires à sa propre culture pour booster à la fois le bien-être et la performance de l’équipe. Vous trouverez tous les renseignements sur dans les liens ci-dessous.
Que votre journée soit belle,
Pierre
Liens :
- Plusieurs articles sur notre Blog pour aller plus loin :
Comment nos équipes peuvent booster nos entreprises
Deux clés pour relancer vos équipes à la traîne
Comment garantir que vos équipes performantes et innovantes le restent et entraînent les autres ? - Conférence TED de Amy Edmondson : https://www.youtube.com/watch?v=LhoLuui9gX8 (anglais, 11min).
- Les Ateliers d’Aristote, 6 journées pour développer les 5 critères dans vos équipes :
https://m-h-d.be/notre-offre/les-ateliers-daristote/ et https://www.effatacoaching.com/ateliers-aristote
Photos : Sollys, Gerd Altmann, Varun Singh
A mes yeux, ce n’est pas l’amour qui est la condition n° 1 du succès d’une équipe. Les nazis aimaient leurs enfants et leurs épouses, ça ne les a pas empêché de commettre les pires atrocités…
La condition n° 1, c’est la compassion: ce sentiment par lequel on est porté à percevoir ou ressentir la souffrance des autres, et poussé à y remédier. Le mot compassion provient du latin cum patior, « je souffre avec ». Il s’agit donc d’un calque latin du grec sym patheia, sympathie, dont le sens avait dévié. D’où le besoin de ce mot, ainsi que de celui d’empathie. « Pitié » et « apitoiement » sont tous deux devenus péjoratifs, mais signifient originellement compassion, tout comme « miséricorde » et son synonyme « commisération ».
Merci pour votre réflexion. Les résultats de l’étude de Google ne parlent pas d’amour, mais de « Sécurité psychologique ». J’ai voulu dans mon article rendre ce terme moins abstrait sur base des explications fournies dans la synthèse du projet Aristote, c’est pourquoi je suis arrivé à la gentillesse et la bienveillance et enfin à l’amour. Personnellement, cela rejoint ce que j’ai vécu.
Bonjour Pierre,
Merci pour cet article super, je partage 🙂
Merci Vincent.