Si vous êtes à la tête d’une entreprise ou d’une équipe depuis quelques années, la question du licenciement d’un de vos collaborateurs s’est probablement déjà posée. Certains l’abordent avec froideur et indifférence. Pour la plupart, licencier est une des tâches les plus ingrates et pénibles de leur vie professionnelle.
Au cours de mes coachings et de mes formations, je constate souvent que la question du licenciement reste un problème. Dans cet article je souhaite aborder ce sujet délicat sans tabou pour amener celles et ceux qui dirigent des équipes à prendre de la hauteur par rapport à cette question.
Licenciement pour comportement inadéquat
Il y a de nombreuses raisons qui peuvent conduire un dirigeant à licencier : économiques, structurelles, personnelles, fautes graves… Mon propos ne portera que sur un licenciement pour non-respect de la culture et des règles de l’entreprise. Je parlerai pas non plus de licenciement abusif ou arbitraire, mais uniquement d’un licenciement comme résultat d’un long processus et de plusieurs tentatives infructueuses de ramener dans le jeu un collaborateur qui s’est mis hors-jeu.
Licencier ? C’est impossible !
Beaucoup de managers ayant une responsabilité d’équipe n’envisagent pas comme une possibilité le licenciement d’un collaborateur qui dysfonctionnerait. Les raisons que j’entends le plus souvent sont :
- C’est impossible de licencier dans cette organisation (très fréquent dans le service public) ;
- Licencier ne fait pas partie de la culture de l’entreprise ;
- Avec les syndicats, cela ne marchera pas ;
- Vu l’ancienneté du collaborateur, cela coûterait beaucoup trop cher ;
- Ce n’est pas à moi à prendre cette responsabilité ;
- Il ou elle est protégé(e) par la hiérarchie ;
- De toute façon, je n’ai rien à dire ;
- S’il est licencié, il aura de grosses difficultés au niveau de sa vie privée
- …
Aucune de ses raisons n’est réellement valable. Elles traduisent toutes le malaise par rapport à cette sanction ultime qu’est le licenciement.
Ce malaise est toxique :
- pour le manager qui perd son autorité ;
- pour l’équipe qui ressent une injustice, de la démotivation et continue à subir des comportements toxiques ;
- pour le collaborateur lui-même qui ne se remet pas en question et s’enlise dans son dysfonctionnement ;
- pour l’organisation dont la performance et le bon fonctionnement sont impactés.
Un échec
Personnellement, j’ai toujours considéré le licenciement comme un échec. Avant tout, l’échec du dirigeant, de l’entreprise et aussi l’échec de celui ou celle qui perd son job.
Dans les paragraphes qui suivent nous prendrons de la hauteur pour comprendre ce qui est en jeu.
Les moteurs, le peloton et les freins
Si vous placez vos collaborateurs sur un schéma dont l’axe horizontal indique la performance et l’axe vertical le nombre de collaborateurs, vous obtenez la plupart du temps une courbe de Gauss comme sur le schéma ci-dessous :

20% des effectifs peuvent être qualifiés de « Moteurs » : ils se donnent sans compter et font preuve d’un grand sens des responsabilités et d’engagement. Pareto dirait probablement qu’ils font 80% du travail.
Ensuite vient le « Peloton », environ 60% des collaborateurs qui font ce qui est attendu d’eux, certains avec plus d’enthousiasme et d’engagement que d’autres.
A gauche de la courbe apparaissent les « Freins », des collaborateurs qui pour diverses raisons rament à contre-sens. Ils donnent aux autres l’impression que le bateau avancerait plus vite sans eux.
Si les « Moteurs » boostent leurs collègues, le comportement des « Freins » a un effet toxique sur eux et consomme souvent une partie importante du temps et surtout de l’énergie de leurs managers.
Malaise et souffrance des N+1
Face aux « Freins » dans son équipe, le manager se sent souvent impuissant et abandonné par sa propre hiérarchie.
L’autre jour je donnais une formation sur le feedback à des cadres d’une entreprise publique. Au moment d’entamer un jeu de rôle basé sur un cas réel, un des managers s’effondre et quitte la pièce en pleurs. A la pause, j’en profite pour lui demander comment il va. Il m’explique qu’il a dans son équipe un collaborateur qui sape tout ce qu’il essaye de faire, manipule les autres et qu’il ne peut rien faire. Il en a parlé à sa hiérarchie, qui ne bouge pas. Ce collaborateur est dans le service depuis 26 ans, « impossible de le licencier ». En posant quelques questions, je me rends vite compte que ce manager présente plusieurs symptômes de burnout probablement dû à ce qu’il endure depuis trois années avec ce collaborateur qui dysfonctionne.
Le tabou lié au licenciement dans cette organisation détruit des personnes sans que personne ne bouge.
Parfois des employés sont mutés dans d’autres services, ce qui ne fait que déplacer le problème. C’est un peu comme si quelqu’un avait un caillou dans sa chaussure. Il marcherait avec ce caillou jusqu’au moment où ce n’est vraiment plus supportable et que la blessure devenait trop profonde. Alors il s’arrêterait pour placer le caillou dans son autre chaussure et reprendrait son chemin. Cela n’a aucun sens !
Un long chemin
Un licenciement ne s’improvise pas. Ce n’est pas une décision à prendre sur un coup de tête. Cela doit être, au contraire, le résultat d’un long cheminement qui a pour objectif de ramener le collaborateur dans le jeu. Les règles constituent un élément essentiel de ce chemin. Elles sont comme des barrières de sécurité au bord de la route : la plupart du temps elles ne servent à rien, sauf lorsqu’un conducteur perd le contrôle.
Dans notre article du mois de juin, nous aborderons la question des règles et comment elles sont la colonne vertébrale de ce chemin qui a pour but de réintégrer le collaborateur, tout en constatant que parfois, cela ne fonctionne pas.
Et vous ? Avez-vous déjà été confronté à la question du licenciement d’un de vos collaborateurs ? Comment l’avez-vous vécu ? Partagez vos expériences dans les commentaires pour poursuivre la réflexion sur cette question difficile et sensible.
Que votre journée soit belle,
Pierre
Pour aller plus loin:
- « Love & Lead », un parcours inter-entreprises pour développer vos compétences en leadership et gestion d’équipes.
- Le tableau de bord du Management-Humain-Durable, une boîte à outils précieuse pour les managers.
Photos : Gerd Altmann
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