Si comme la plupart d’entre nous vous commencez certaines de vos phrases par un « Je suis » bien affirmé, cet article est pour vous. Vous découvrirez pourquoi le verbe être peut être source de violence et surtout comment éviter cette violence sans perdre son identité.
Nous avons chacune et chacun nos vérités. Un premier problème se pose lorsque nous pensons que c’est LA Vérité. J’ai déjà abordé cette question dans une courte vidéo au titre un peu provocateur « La vérité n’existe pas ». Je ne vais donc pas traiter la question de nos vérités de ce point de vue, mais de celui de l’identification à nos vérités comme source de violence.
Il était une fois TRUMP…
Au moment où j’écris cet article, l’élection du 46ème président des USA vient de se dérouler. Joe Biden a gagné à moins que les recours de Donald Trump qui se proclame également vainqueur n’aboutissent. Nous assistons depuis l’élection de Trump à un spectacle qui nous sidère : voilà un homme à la tête du pays le plus puissant au monde qui ne cesse d’inventer ses propres vérités et qui n’hésite pas à les changer quitte à affirmer le contraire de ce qu’il a dit quelques semaines plus tôt. Pour moi, et je ne pense pas être le seul, il est impensable de faire confiance à quelqu’un qui ment sans arrêt et ce, sans aucune retenue ni gène quelconque. Et pourtant, près de la moitié des américains ont voté Trump avec une conviction de le faire pour le salut de leur pays.
Jouer avec la vérité comme l’a fait le président américain, n’a cessé de créer une violence de plus en plus forte, un clivage, un fossé énorme entre ceux qui voient en Trump le sauveur de la nation et ceux pour qui il incarne la honte d’un pays, son côté le plus obscur, le déclin d’une civilisation. Ce qui m’a frappé tout au long de cette campagne présidentielle, c’est l’incapacité des deux clans à se parler, à s’écouter. Pourtant quand vous vous mettez du côté des « anti Trump », les arguments sont évidents… probablement tout aussi évidents que les arguments en sa faveur du côté des « pro Trump » si vous étiez de ce côté-là. A partir de là les américains ont forgé leur identité en « pro » ou en « anti Trump ». « Je suis pro Trump » diront les uns, « Je suis contre » diront les autres.
Je suis…
Dès que je m’identifie à ma vérité, toute menace, toute attaque, tout ce qui met simplement en doute ma vérité devient une attaque personnelle. Quand je me sens attaqué, mon instinct prend les commandes pour engager une des trois réactions reptiliennes : attaquer, fuir ou m’écraser. J’entre dès lors dans le monde de la violence, contre l’autre (attaque : c’est la contre-violence), contre moi-même (fuite ou passivité : je m’écrase…).
Demandons-nous quelles sont les vérités auxquelles nous nous identifions. Peut-être êtes-vous pour l’avortement, ou contre, pour la peine de mort, ou contre, pour la légalisation du cannabis, l’interdiction de l’alcool, du tabac, la taxation des grosses fortunes, le revenu universel, pour ou contre. Je suis…
Nos médias, qu’ils soient traditionnels ou sociaux, se nourrissent de ces identifications aux vérités. Nous assistons à des débats violents et souvent stériles car sans écoute, chacun étant trop occupé à défendre sa vérité, c.à.d. son identité.
Cultiver le doute
J’ai d’abord envie de nous inviter à être attentif à l’usage que nous faisons du verbe « être », le verbe de l’identité. Soyons attentifs à toutes nos phrases qui commencent par « je suis… » et demandons-nous si c’est bien juste. Ce que je me donne comme identité en utilisant ce « je suis » ne serait-ce pas plutôt une perception, une croyance, une supposition, une expérience, un ressenti, une valeur… Je dis souvent à mes coachés qui se sentent enfermés dans leurs « je suis » :
« Tu es beaucoup plus que cela »
Ensuite je nous invite à cultiver le doute dans le champ de nos vérités. Cessons d’être à 100% pour ou contre, mais nuançons notre tableau, apportons-y d’autres couleurs que le blanc et le noir pour que la vie puisse rejaillir, pour qu’un arc-en-ciel soit le pont entre toutes et tous.
Eclairage de la roue du changement de regard
Pour celles et ceux qui connaissent la roue du changement de regard dont nous avons déjà souvent parlé dans ce blog (voir les liens en fin d’article), le parallèle est très parlant. Lorsque j’ai la vérité (je suis tout transparent), l’autre ne peut être que dans l’erreur (il est tout rayé). Il n’y a de place pour rien d’autre, le dialogue est impossible, j’érige un mur entre nous, un mur d’autant plus réel que je m’identifie à ma vérité : ce mur me protège.
Par contre, lorsque je cultive le doute face à mes propres vérités, la roue s’ouvre et je vois apparaitre chez moi, au-delà de ma vérité, ce que l’autre voit comme mes erreurs, et chez l’autre, au-delà de ce que je vois comme ses erreurs, sa vérité. Le dialogue peut commencer, la vie peut renaitre, l’arc-en-ciel est en place.
Que 2021 nous connecte toujours davantage à ce qui donne vie et nous permette de susciter de nombreux arcs-en-ciel à partir de la richesse de nos différences.
Pierre
Liens :
- Source de cet article : la conclusion de la conférence « Neurosciences : les méandres du cerveau » de Albert Moukheiber. Il y analyse entre autre les fakes news, les biais cognitifs et les différentes façons dont notre cerveau aborde l’information qui lui est présentée (2h11, français).
- Vidéo de Pierre de Lovinfosse : « La vérité n’existe pas » (8min, français)
- Pour découvrir la roue du changement de regard :
- 2ème clé de la transition – Tout part du regard : il enferme ou libère ! : https://www.le-blog-des-leaders.com/2eme-cle-de-la-transition-regard/.
- 2ème clé de la transition : Les trois mécanismes qui bloquent nos relations : https://www.le-blog-des-leaders.com/2eme-cle-de-la-transition-violence/.
- 2ème clé de la transition – Transformer les murs qui nous séparent en ponts ! : https://www.le-blog-des-leaders.com/2eme-cle-de-la-transition-non-violence.
Photos : Gerd Altman, Pixabay
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