Dans nos relations, nous nous sentons souvent attaqués ou en danger…
Un collègue me fait une remarque, je le perçois comme une critique.
Mon conjoint rejette une de mes idées, je me sens moi-même rejeté.
Mon patron ne m’écoute pas alors que je lui parle, je pense que cela ne l’intéresse pas, ou pire, que je ne l’intéresse pas…
Chacun trouvera pour lui-même de nombreux exemples.
Nous avons développé un système de défense : notre ego1
En réaction à cette impression d’agression, nous avons, sans le savoir, développé un système de défense. Il n’est autre que notre ego, mis en place pierre après pierre depuis notre plus tendre enfance.
Dès notre naissance, une interrogation s’est posée à nous :
Que dois-je être pour recevoir l’amour dont j’ai besoin ?
Nous avons tous en nous un désir infini d’amour. Vous avez probablement fait l’expérience que des personnes, proches ou non, vous en demandent trop. Vous donnez et donnez encore et malgré tout, ce n’est jamais assez. Elles en veulent toujours plus.
Lors d’une de ses conférences, Denis Marquet commença par demander :
« Qui pense qu’il aime profondément d’autres personnes dans sa vie ? »
La très grande majorité des mains se sont levées. Ensuite, il demanda :
« Qui a l’impression d’être aimé vraiment en profondeur ? »
Beaucoup de bras se sont abaissés…
Notre désir d’amour parait impossible à combler, il est infini.
Pour y répondre, nous avons développé deux types de comportement :
- Ceux qui nous permettent de capter l’amour, et
- Ceux qui nous permettent de nous protéger du non-amour.
Ce que nous désignons par « moi », notre personnalité, notre caractère, tout cela est un système de défense. Notre ego est le résultat d’une construction. L’ego n’aime pas, il essaye de capter l’amour.
Le courage d’apprivoiser mon ego
Apprivoiser et lâcher cette part de notre ego qui nous handicape, ne va pas sans honorer ce qui, dans notre ego, nous a permis de survivre et d’arriver jusqu’aujourd’hui. Quand nous nous mettons à l’observer, nous nous rendons compte qu’il nous enseigne sur nous-mêmes et sur notre histoire, et nous pousse à devenir davantage nous-mêmes.
Actuellement, nous jugeons trop souvent l’ego comme s’il était uniquement nuisible. L’ego n’est ni bon ni mauvais. Il a été nécessaire, mais il est aussi ce qui nous empêche d’être vraiment nous-mêmes, d’aimer et de se laisser aimer gratuitement. Lorsqu’il a rempli son rôle, nous avons tout intérêt à nous en défaire le plus possible, même si ce n’est pas facile et que cela demande du courage.
Un système de résonances qui engendre la violence
Plus grande est la place donnée au système de défense, moins il y a de tolérance aux inconforts de l’existence ; plus il y a d’ego, moins il y a de courage.
Notre système de défense se met en marche dès que nous vivons une résonance. La résonance désigne la sensibilité d’un collectif ou d’un individu à une stimulation. Chacune de nos relations implique un certain nombre de résonances, positives ou négatives, conscientes ou inconscientes. Face à autrui, nous sommes sensibles à certaines fréquences et insensibles à d’autres, et il en va de même pour autrui à notre égard.
Chaque personne avec laquelle je ne m’entends pas, est un être que mon système de défense blesse, et dont le système de défense me blesse. Lui comme moi, sommes convaincus d’être victime et d’avoir reçu la première souffrance.
Qui a commencé ?
Nous pensons que c’est l’autre. En réalité, chacun·e a commencé à se défendre. Le mécanisme de la violence est enclenché (nous avons abordé ce mécanisme dans l’article qui présente la Roue du Changement de Regard, un outil simple et puissant, qui nous donne un critère clair pour repérer « où commence la violence », ses mécanismes et comment en sortir).
« Dans la rencontre de l’autre n’est respectueux que le non-savoir radical.
Ce qu’il/elle vit, il/elle est le tout premier à le vivre. » Christiane Singer2
Reconnaître que je transmets le non-amour
Ces demandes d’amour infini, je les ressens la plupart du temps, comme une remise en cause de moi-même. Elles me mettent face à mon incapacité à les combler. J’ai l’impression de ne pas être assez.
Le premier mouvement de libération est de reconnaître que je transmets, souvent malgré moi, le manque d’amour, et donc la violence, par mon incapacité d’aimer, laquelle résulte de toutes les stratégies que j’ai dû déployer pour survivre au manque d’amour…
Pour le reconnaître, il s’agit de :
- l’observer et l’accueillir dans le concret de mes relations quotidiennes, et de
- m’en responsabiliser en m’entraînant à de moins en moins entrer dans les « défenses-pilote-automatique » de mon ego.
Chaque fois que je juge, que je raye, que je dis que « c’est mal », je devrais dire « c’est triste ». Il s’agit de vivre ma tristesse, ma blessure, la ressentir, plutôt que de la projeter sur l’autre, comme s’il/elle en était la cause. L’autre n’est pas la cause de mes émotions, de ma souffrance. Il/elle en est le déclencheur·se : Il/elle a déclenché une résonance qui m’appartient… La preuve, c’est que son attitude peut déclencher des résonances différentes chez d’autres, voire même aucune. Mes résonances me disent quelque chose de moi !
« Dès qu’un jugement quelconque se glisse jusqu’à moi, je me sens expulsée de ma cellule bénie » Christiane Singer3
Le voyage de notre ego à notre Vraie Nature
Le deuxième mouvement de libération est d’accepter que, malgré ce premier mouvement, qui est ma part, mon apport, indispensable, je suis incapable de vivre ma vie comme je le désire. À chaque instant, dans mes relations, je suis entouré de gens qui me demandent de l’amour infini, et moi-même, je veux vivre l’amour infini. Je suis incapable par moi-même de donner cet amour infini, et incapable de le vivre moi-même.
Tant que je cherche à contrôler, à me faire l’origine de cet Amour-Infini, je me coupe de ma source. Pour que cela fonctionne, je peux m’ouvrir à ce qui me dépasse, je peux laisser passer en moi cet Amour-Infini qui habite au plus profond de moi, et de tous les vivants.
« Quand il n’y a plus rien, il n’y a que l’Amour.
L’amour n’est pas un sentiment, c’est la substance même de la création. » Christiane Singer4
Si notre condition humaine nous amène à nous confronter au manque d’amour et à la violence, la nôtre et celles des autres, notre nature est tout autre. C’est notre conviction. Notre nature, c’est d’aimer. Notre vocation d’homme et de femme, c’est d’aimer et de se laisser aimer. Cet amour, nous le puisons en nous, au cœur de notre cœur. Il est comme le réceptacle d’une source qui nous dépasse. C’est ce que Denis Marquet appelle la source d’Amour-Infini en nous. Vous avez peut-être déjà fait l’expérience de cet amour inconditionnel : être aimé sans attente, gratuitement, juste parce que c’est vous. Vous-même, vous êtes certainement déjà senti habité par cet amour pour l’un de vos proches.
Je deviens alors comme un passeur d’Amour, un Amour dont je ne suis pas l’origine, un Amour-Infini qui me dépasse totalement.
C’est ce que nous souhaitons vivre avec vous : expérimenter le « grand secret de la Vie » !
Pierre et Benoît
NOTES
- Cet article est inspiré des deux livres et d’une conférence de Denis Marquet (voir « Pour aller plus loin ») ↩︎
- Christiane Singer, dans « Derniers fragments d’un long voyage », Albin Michel, 2007. Le 1er septembre, un jeune médecin annonce à Christiane Singer qu’elle a encore 6 mois au plus à vivre. Ce livre, d’une intensité exceptionnelle, est le carnet de bord de ce long voyage. ↩︎
- Christiane Singer, ibid. ↩︎
- Christiane Singer, ibid. ↩︎
POUR APPROFONDIR
- Osez désirer tour, Denis Marquet, Flammarion, 2018
- Aimez à l’infini, Denis Marquet, Flammarion, 2019
- Denis Marquet : Conférence Aimer à l’Infini, un nouvel art d’aimer – https://youtu.be/w_ntBZ7UYtw
- « Judas, mon ami » de Christophe Wrembek (162pages)
PHOTOS : Pixabay
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