Pourquoi et comment gérer nos conflits

par | 20 Nov 2022 | Communication, Développement personnel, Gestion d'équipe, Non-violence active | 0 commentaires

Les conflits sont sources de bien des dégâts. Que ce soit dans les couples, dans nos cercles d’amis, nos entreprises ou nos associations, beaucoup de conflits nous divisent et nous opposent. Que dire à l’échelle des pays… Est-ce une fatalité ? Les conflits sont-ils mauvais ? Faut-il à tout prix les éviter ? Comment les gérer quand ils sont bien là ? Voilà les questions que je vous propose d’aborder.

C’est quoi un conflit ?

Commençons par nous demander ce qu’est un conflit. Il est perçu la plupart du temps comme une crise dans une relation. Il a donc une connotation négative. Cette crise vient de la rencontre de nos différences : différences de points de vues, de ressentis, de besoins, d’envies… En soi, un conflit est neutre : il est ni bon, ni mauvais, il est. Tout dépend de ce que j’en fais.

En chinois, le mot crise « Wei Ji » est constitué de deux idéogrammes :

  • Wei qui veut dire « Danger »,
  • Ji qui signifie « Opportunité ».

Bien géré, le conflit apporte un enrichissement mutuel : cette rencontre de nos différences nous permet de voir au-delà de l’horizon que nous avions avant le conflit. Elle nous fait avancer. C’est l’opportunité.

Dit comme ça, cela a l’air plutôt simple. C’est oublier que tout conflit présente également un danger. Si ce n’est pas l’opportunité qui est saisie et que la violence s’immisce dans le conflit, le risque de blesser ou même de détruire la relation est bien réel.

Deux erreurs fréquentes en cas de conflit

Deux mécanismes augmentent ce risque.

Le premier, c’est la fuite. Je ressens une tension avec un proche ou un collègue. Nous nous sommes même accrochés récemment. Au lieu de gérer ce conflit, j’entends une petite voix dans ma tête qui me dit :

« Laisse tomber. Dans quelques jours tout cela sera oublié. Ne remue pas la m… Cela va s’arranger tout seul. »

Eh bien non, cela ne s’arrange pas tout seul. Lorsque je ne gère pas une tension avec quelqu’un, ce problème atterrit dans ce que j’appelle ma poubelle relationnelle. Dans cette poubelle s’accumulent tous les petits et grands problèmes relationnels avec cette personne. Comme dans toute poubelle qui n’est pas vidée et nettoyée régulièrement, les déchets fermentent et finissent par produire des gaz. Un jour il y en a tant qu’une petite étincelle générée par de nouveaux frottements dans la relation provoque une méga explosion et il y a de la m… partout. Croire que les conflits s’arrangent tout seul est une erreur. Tôt ou tard les cadavres enterrés remontent à la surface. Veillons donc à vider régulièrement notre poubelle relationnelle.

Le second mécanisme qui augmente le danger, c’est de laisser nos émotions gérer le conflit. Dans ce cas, le conflit devient violent. C’est la bagarre. Nos émotions sont des messages précieux à écouter, mais il ne faut en aucun cas leur donner le volant de notre vie. Les émotions sont de très mauvais pilotes : elles nous mèneront tout droit dans le mur.

Il ne s’agit donc ni d’ignorer ou d’étouffer le conflit, ni de laisser la violence s’y immiscer.

Quel est le problème ?

Avant de découvrir comment faire pour dégager les opportunités que présente un conflit, voyons pourquoi c’est souvent très difficile de les gérer.

Il y a quelques semaines, j’ai reçu un dessin qui expliquait très bien le problème. Ce dessin met en scène deux personnages qui se font face et tiennent dans un de leur bras un immense verre vide, presque un tonneau. Il représente leur besoin d’être écouté. Dans l’autre main, ils tiennent chacun entre le pouce et l’index un tout petit gobelet, comme un dé à coudre, image de leur capacité d’écoute.
Lorsque nous sommes en conflit, nous avons chacun un immense besoin d’être écouté et une très grande difficulté à écouter l’autre. C’est donc assez logique que souvent cela se passe mal.

Mais alors, comment faire ?

Vous l’aurez compris, le principe est simple : il suffit de s’écouter. Le problème c’est le dé à coudre : quand mes émotions s’en mêlent, ma capacité d’écoute est très très limitée. Pour transformer ce dé à coudre en seau, je vous invite à emprunter le chemin de la non-violence. Plusieurs principes vont nous aider.

Marshal Rosenberg, un des pères de la Communication Non-Violente, disait toujours qu’il ne fallait pas écouter ce que l’autre dit, mais bien ce qu’il vit. Dans un conflit, les mots échangés peuvent être violents et blessants. Si je me braque sur ces mots, ce sera difficile d’écouter, parce que ces paroles sont parfois inaudibles. Par contre, si je me mets à écouter au-delà des mots le vécu de l’autre, sa souffrance, son ressenti, ses peurs, ses colères et ses besoins, tout devient possible.

« N’écoutez pas ce que l’autre dit, mais ce qu’il vit »

Le même Marshall Rosenberg nous invitait à adopter des oreilles non-violentes. Ce sont des oreilles très spéciales. Elles n’entendent que deux choses : soit merci, soit s’il te plait. Ces oreilles entendent merci lorsque la personne me parle avec bienveillance. Les besoins de cette personne sont satisfaits, elle se sent bien et ses paroles me le font comprendre : c’est un merci à la vie en général et peut-être à moi en particulier, mais pas nécessairement.

Par contre, lorsque les paroles et le non-verbal de l’autre deviennent agressifs et violents, mes oreilles non-violentes traduisent ces paroles en « s’il te plait ». Ce s’il te plait est un appel au secours. Il exprime des besoins non satisfaits, c’est l’expression d’une souffrance, d’un mal-être.

En prenant conscience de cela, je peux développer de l’empathie pour l’autre et commencer à l’écouter. Ecouter au-delà des mots, c’est précisément se mettre à l’écoute de cette souffrance.

La seconde image empruntée cette fois à la Non-Violence Active est celles des deux montagnes. Lorsque nous sommes en conflit, nous sommes chacun sur notre montagne. La situation qui pose problème, nous la voyons à partir de notre montagne et ce que nous voyons chacun est bien sûr différent. Mais il n’y a pas que cette différence de point de vue. Notre montagne est faite de nos ressentis, de nos expériences, de nos valeurs, de nos certitudes, de nos besoins, de notre vécu… Elle est donc bien différente de celle de l’autre. Si je reste sur ma montagne, tout ce que l’autre me dit, je le confronte et l’évalue à l’aune de ce qu’il y a dans ma montagne. En gardant cette posture d’écoute, chacun sur sa montagne, il n’est pas possible de se rejoindre, tout devient évaluation, comparaison et jugement : il a tort, j’ai raison, c’est mieux, c’est moins bien…

Pour arriver à écouter l’autre, je dois quitter momentanément ma montagne, mes préjugés, mes vérités, mon ressenti, mon point de vue, mes valeurs, mes besoins… Je quitte ma montagne pour rejoindre l’autre sur sa montagne. Je pourrai alors comprendre ce qu’il vit au-delà de ce qu’il dit sans jugement aucun.

Lorsque vous aurez écouté l’autre et qu’il se sentira rejoint, vous l’inviterez sur votre montagne pour qu’à son tour il puisse vous écouter. Dans la grande majorité des cas, il s’y rendra naturellement. A ce stade l’enrichissement mutuel sera déjà très grand.

Concrètement

Concrètement, lorsque vous vivez une tension, un conflit, je vous propose les 5 étapes suivantes :

  1. Prendre soin de soi
    La première étape est de prendre soin de vous. Le conflit que vous vivez provoque chez vous comme chez votre interlocuteur des émotions qui peuvent être fortes. Si vous ne commencez pas par accueillir vos propres émotions pour bien les gérer, ce sera la fuite ou la guerre. Comment faire ? Respirer profondément, accueillez vos besoins pour pouvoir en prendre soin au cours du processus.
  2. Accueillir les émotions de l’autre
    La seconde étape est d’aider l’autre à gérer ses propres émotions. Entendez son « s’il te plait », rappelez-vous que son attitude qui vous apparait comme agressive n’est que l’expression de son mal-être, ce n’est pas contre vous. L’autre, tout comme vous, souffre de quelque chose et c’est cette souffrance qui s’exprime. La Roue du Changement de Regard dont nous avons déjà souvent parlé sur ce blog est un outil puissant pour cette étape (voir les deux articles proposés en lien ci-dessous).
    L’autre est peut-être hors de lui. Pour pouvoir lui parler, il faudra d’abord qu’il revienne à lui. Reconnaissez sa colère, sa peur ou sa tristesse. Allez sur sa montagne et rejoignez le dans ce qu’il vit.
    Vous voilà déjà sur la montagne de l’autre.
  3. Ecouter sans juger
    La troisième étape consiste à l’écouter en profondeur, sans aucun jugement. Il ne s’agit pas de déterminer qui a raison et qui a tort, mais simplement de rejoindre l’autre dans ce qu’il vit.
    Passez à la quatrième étape lorsque vous sentez que grâce à votre écoute, l’autre s’est apaisé. Il a pu exprimer ce qu’il voulait.
  4. S’exprimer
    Cette quatrième étape consiste à inviter l’autre à vous rejoindre sur votre montagne, à l’inviter à vous écouter comme vous l’avez fait pour lui. Vu votre écoute, il y a de fortes chances qu’il soit d’accord. S’il ne l’est pas, n’allez pas plus loin, c’est probablement qu’il lui faut plus de temps. Dans ce cas vous reprendrez le processus plus tard.
  5. Construire ensemble un futur
    Enfin, lorsque vous vous êtes écoutés et rejoints, il vous reste à envisager le futur. Chacun peut ici exprimer une demande sans que ce soit une exigence. L’objectif est d’arriver à deux sur un chemin qui réponde aux besoins de chacun.

Qui va faire le premier pas ?

La question est souvent de savoir qui va faire le premier pas, qui va être le premier à écouter l’autre.

« Pourquoi est-ce que cela devrait être moi ? »

Pourquoi pas ? N’hésitez pas une seconde, foncez, vous n’avez rien à perdre et tout à gagner.

En résumé, tout conflit présente des opportunités et des dangers. Si je le fuis ou que je laisse les émotions prendre le dessus, j’opte pour le danger : c’est la violence qui l’emportera. Par contre, si je vois le conflit comme la rencontre de nos différences et comme une opportunité de s’enrichir mutuellement, je peux saisir les opportunités d’évoluer et de renforcer la relation.

Que votre journée soit belle,

Pierre

Liens pour aller plus loin :

Photos : Chris Sabor, Sarah Richter, Gerd Altmann

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

L’auteur

Pierre de Lovinfosse

Pierre de Lovinfosse

Coaching individuel, de groupe et formations. Il s’est donné pour mission d’aider les dirigeants à mettre leur entreprise au service de l’humain : l’entreprise comme ressource pour l’humanité, plutôt que l’homme comme ressource pour l’entreprise. Il s’intéresse tout particulièrement à la problématique du leadership qui constitue son sujet principal de coaching et de formations. https://www.effatacoaching.com

Recherche

Catégories

Thématiques

SUIVEZ-NOUS

Pin It on Pinterest