Le « Travail Qui Relie » (2/2) : Choisir un monde qui soutient la vie

par | 31 Oct 2022 | Changement collectif, Développement personnel, Entreprendre, Sens de l'entreprise | 0 commentaires

Dans mon article du mois passé, « comment faire pour participer à la guérison de notre monde », j’ai commencé à vous présenter le « Travail qui relie » (TQR). Je vous ai parlé de mon cheminement, du lien que je vois avec les entreprises, de ce qui m’a touché et mis en mouvement.
Dans cet article, nous continuons le chemin libérateur de la spirale avec des pistes pour « Porter un nouveau regard » et « Aller de l’avant », avant de conclure sur « Où cela m’a-t-il mené ».

Pour rappel, le TQR [1] est une démarche de cheminement en groupe, pensée par l’éco-psychologue Joanna Macy. Son but est de soutenir le désir et la capacité à prendre part à la transition, à la guérison de notre monde. Dans mon premier article, j’ai évoqué un préalable à la démarche, « choisir notre histoire » ( entre « On fait comme d’habitude »,  « l’effondrement » ou « le changement de cap ») et les deux premières étapes de la Spirale du TQR : « S’ancrer dans la gratitude » et « Honorer notre souffrance pour le monde ».

A. Troisième étape de la spirale du TQR : Porter un nouveau regard / Changer de perception

Cette étape nous invite à regarder notre culture d’une autre façon, à commencer à construire une autre histoire, à découvrir la large toile de ressources à notre disposition et à comprendre notre rôle et notre pouvoir pour effectuer un changement de cap.

Quatre changements de perception renforcent le pouvoir personnel :

  1. Un sens plus vaste de soi

L’individualisme extrême des pays industrialisés est si bien établi que certains considèrent que c’est notre état naturel. Or il existe de nombreuses façons de percevoir le soi. Le concept d’un soi séparé, une entité à part, distincte des autres et du monde, n’est qu’une manière de voir. Faire l’expérience de l’identité élargie de notre soi relié ne signifie pas la perte de notre individualité. En retraçant le développement de la vie à partir de ses origines, on remarque un modèle récurrent : des petites parties s’assemblent pour former de plus grands ensembles intégrés.

« La vie n’a pas conquis le monde par le combat, mais par les réseaux de coopération. »
Lynn Margulis et Dorian Sagan

2. Un pouvoir d’un autre genre

Le pouvoir-sur, le plus répandu dans notre culture, est fondé sur une position de domination ou d’avantages sur les autres, position qui assure un accès privilégié aux ressources et à l’influence. La domination repose sur un modèle gagnant/perdant. Dans la compétition, pour être le premier, la plupart d’entre nous finissent par perdre. Le sentiment d’impuissance est répandu. Le pouvoir est considéré comme une marchandise et engendre le conflit ; il favorise la rigidité mentale et devient suspect.
Le pouvoir-avec permet de créer une nouvelle histoire. Le pouvoir partagé est fondé sur la synergie (1+1=3) et sur l’émergence. Si nous nous focalisons sur chaque action hors contexte, il est facile de la dénigrer en pensant : « cela ne sert pas à grand-chose. » Pour se rendre compte du pouvoir d’une simple action, il faut se demander : « de quoi fait-elle partie ? ». De la même façon que le passage d’un zoom sur les pixels à la vue de la photo, à partir d’un pointillé d’actions et de choix distincts, on peut apercevoir un grand changement qui émerge. Le concept de l’émergence est libérateur, car il nous affranchit de la nécessité de voir les résultats de nos actions.

3. Une expérience plus riche de la communauté

Dans notre monde individualiste et consumériste, les gens peuvent vivre dans le même bâtiment sans aucun lien réel entre eux. Nous avons perdu le sentiment d’avoir besoin les uns des autres.
Appelé « capital social », le réseau des relations de soutien dans un quartier est une forme de richesse qui améliore la qualité de nos vies.
De temps en temps, il se produit un événement qui met fin à l’isolement et à l’indifférence si répandus dans la société moderne. Nous n’avons pas besoin d’attendre une catastrophe naturelle pour connaître la riche expérience solidaire.
Nous ne saurons jamais si nos actions auront un impact décisif. En revanche, ce que nous savons, c’est que le soutien mutuel rend cette possibilité plus probable.

Plus nous élargissons notre champ de conscience sur notre appartenance, sur ce qui nous nourrit, et ce qui inspire notre action, plus nous expérimentons notre confiance et notre puissance. Elles s’accroissent en passant des groupes dans lequel nous sommes à l’aise, à la communauté de notre entourage, à la communauté humaine du monde entier, à la communauté de la vie sur Terre !

4. Une vision du temps profond

La vie est devenue une sorte de course sans précédent dans l’histoire. L’expérience de la vitesse peut être agréable. Cependant, il existe une grande différence entre choisir d’aller plus vite lorsque cela apporte vraiment des avantages, et être pris dans un engrenage qui impose la hâte par habitude. L’accélération du temps est un cercle vicieux dans lequel les avantages à court terme l’emportent sur les coûts à long terme ; nous ne voyons pas venir les catastrophes ; nous exportons nos problèmes vers l’avenir ; et le sens que nous donnons à notre vie diminue. La clé du rétablissement est une vision élargie du temps. Si l’on rapporte le chemin de l’évolution à une journée de 24 heures, la vie des hominidés est apparue seulement 20 secondes avant minuit et celle de notre espèce dans les 5 dernières secondes ! Si maintenant, on remet ces 5 secondes dans une journée de 24 heures, l’ère industrielle n’a commencé que 2 minutes avant minuit. Pendant la dernière minute, la population a été multipliée par 6 et durant les dernières 22 secondes, on consomme plus de ressources et d’énergie que dans toute l’histoire précédente de l’humanité. Élargir notre paysage temporel offre un merveilleux avantage, car il nous ouvre le champ des possibles. Souvenons-nous de l’histoire plus vaste de notre planète pour que la conscience de notre raison d’être imprègne jusqu’à nos actes les plus ordinaires. Dans cette histoire, chacun d’entre nous a un rôle à jouer.

En changeant notre regard et en intégrant un sens plus vaste de soi, un pouvoir d’un autre genre, une expérience plus riche de la communauté et une vision du temps profond, nous nous libérons de la peur, nous développons notre pouvoir personnel et notre capacité d’être acteur du changement de cap.

B. Quatrième étape de la spirale du TQR : Aller de l’avant

Une vision inspirante et contagieuse indique quelle direction suivre. Lorsque nous sommes émus par une vision que nous partageons avec d’autres, nous devenons membres d ‘une communauté qui adopte un but commun. L’inspiration est souvent perçue comme une expérience éphémère qui nous frappe dans des moments chanceux, ou comme une force rare qui caractérise un petit nombre de personnes considérées comme des visionnaires.


« Si on ne sait pas vers quel port on navigue, aucun vent n’est favorable. » Sénèque

Le Travail qui Relie (TQR) nous aide à favoriser la vision et l’inspiration à l’aide de compétences que nous pouvons acquérir. Un puissant changement mental se déclenche quand nous cessons de nous dire que quelque chose est impossible. Quand nous mettons en images l’avenir que nous espérons, nous renforçons notre conviction que cet avenir est possible. L’intelligence collective émerge lorsque nous partageons les idées et les visions que nous trouvons inspirantes. Cela nous ouvre à l’écoute de ce qui motive aussi les autres. C’est ainsi que les visions enthousiasment les gens et se propagent dans une culture à une vitesse incroyable.

Oser croire que c’est possible… C’est difficile de continuer à croire que ce que nous espérons est possible, si nous avons l’impression de ne pas faire de réels progrès dans cette direction. Cinq points de référence peuvent soutenir notre perception de ce qui est possible :

1. Les exemples inspirants de l’histoire.

2. Le phénomène du changement discontinu.
Un seuil (masse critique) est franchi quand, au lieu d’avoir simplement davantage de ce qui se passe habituellement, quelque chose de différent se produit. Par exemple, dans le passage instantané du liquide à la glace d’une bouteille d’eau au congélateur. Même si nous n’obtenons pas un résultat visible de nos actions, elles s’ajoutent peut-être à un changement invisible qui rapproche la situation du seuil critique de cristallisation. Nous entrons dans une histoire évolutive plutôt que fixe, rigide ou prédéterminée.

3. Faire face à nos gardiens du seuil [2].

Lorsque nous sommes saisis par une vision inspirante, nous allons presque toujours nous heurter à une sorte de résistance ou d’opposition, aussi bien en dehors qu’à l’intérieur de nous. Confrontés à cette voix intérieure qui risque de nous arrêter, comment savoir si elle nous protège ou si elle nous bloque ? Considérer les obstacles comme des gardiens du seuil peut faire émerger une réponse créative.

4. Les expériences personnelles de la persévérance.

5. Témoigner que nous sommes les vecteurs du Changement de Cap.

S’entourer d’un contexte et d’un soutien solide… Nous avons besoin d’habitudes et de pratiques, de gens autour de nous, de groupes auxquels nous appartenons, de contextes culturels et écologiques et spirituels » qui soient soutenant.

Entretenir l’énergie et l’enthousiasme
Pour maintenir cette flamme sans aller droit au surmenage et à l’épuisement, nous pouvons compter sur 5 clés :

  1. Reconnaître l’enthousiasme comme une ressource renouvelable précieuse ;
  2. Suivre la boussole de notre joie intérieure ;
  3. Définir le sens d’une vie épanouie ;
  4. Changer de regard sur la réussite ;
  5. Distinguer les buts ultimes des objectifs intermédiaires, et, à chaque étape franchie, savourer notre réussite…

Dans l’histoire du « On fait comme d’habitude », le succès se mesure en termes de richesse, de célébrité ou de statut social. On considère que les gens ont réussi, simplement parce qu’ils ont acquis une part des ressources du monde bien plus importante que ce dont ils pourraient avoir besoin.
Grâce à l’éveil de nos consciences lié au “Changement de Cap”, nous reconnaissons que nous sommes intimement reliés à toute forme de vie, comme une cellule appartient à un organisme plus grand. Considérer qu’une cellule individuelle « a du succès », alors que le corps est malade ou se meurt, est une absurdité complète.

Si nous voulons survivre en tant que civilisation, il nous faut l’intelligence de définir le succès comme ce qui contribue au bien-être de notre plus grand corps : la toile de la vie.

L’incertitude qui fortifie
Nous sommes nombreux à ressentir tellement d’incertitude au sujet de l’avenir que nous nous demandons si nous avons vraiment un futur. Lorsque nous sommes attachés à l’ancienne façon de faire, « On fait comme d’habitude », l’incertitude est utilisée pour renforcer le « non » à toute suggestion selon laquelle il convient de changer notre mode de vie. Si nous agissons seulement lorsque nous sommes raisonnablement sûrs du succès, l’incertitude risque de nous paralyser !
Remercions plutôt l’incertitude ! Quand nous savons que le futur n’est pas encore décidé, il nous appartient de jouer un rôle pour influencer les évènements. La vie, dans toute sa richesse et son mystère, n’offre jamais la garantie du succès ! L’incertitude ajoute mystère et aventure. L’incertitude amène à vivre dans le présent. Une huître, en réponse à un traumatisme (grain de sable), fait pousser une perle. Et nous, nous faisons pousser notre don de l’espérance en mouvement !

La Covid est arrivée… Depuis, beaucoup de participants vivent le TQR, non pas comme une étape qui les engage à démarrer encore d’autres projets, mais plutôt à diminuer le nombre de projets, comme une occasion de discerner et faire des choix : quels projets vont-ils garder ? Ils reçoivent aussi des pistes concrètes pour travailler sur leur posture dans ce qu’ils font et vivre différemment leurs engagements et projets.

Lors des sessions TQR, le vécu dans la fraternité et la confiance facilite le fait de lâcher nos masques. En petits groupes, dès qu’il y en a un qui baisse le masque social (la peur de se montrer tel qu’on est), cela permet aux autres de le faire, de prendre chacun davantage conscience des masques que nous portons et de leur épaisseur. Et nous pouvons aussi expérimenter que ce n’est pas grave de remettre un masque, si nécessaire, pour se protéger.

Où cela m’a-t-il mené ?

Aujourd’hui, je me sens beaucoup moins angoissé, plus léger. Je vois les opportunités et responsabilités que nous offre cette situation : nous pouvons cocréer le monde de demain… et je désire m’y investir ! J’ai de la gratitude pour ce chemin parcouru et me sens prêt à y accompagner d’autres, à leur permettre de le faire plus rapidement… il y a urgence !

C’est pourquoi je souhaite proposer une session « En transition vers la transition ». Je suis en train de la développer sur base d’une synergie entre mes deux principales approches, le Tableau de bord du Management-Humain-Durable, les 7 clés de la transition.
Je suis aussi en train de construire un lieu hors du temps, à l’écart, qui permettra une expérience d’immersion. Je suis convaincu que, d’une part, les approches de la session permettent de faire une partie du chemin et, d’autre part, la nature peut faire « une autre partie du travail intérieur » beaucoup mieux que nous.
Si vous êtes intéressés par cette session et que vous souhaitez être tenus au courant des avancements de ce projet, n’hésitez pas à me le signaler via ce lien. Je vous tiendrai au courant.

Notes
[1] J’ai rédigé cet article notamment à partir de plusieurs extraits des livres :
L’espérance en Mouvement, Joanna Macy et Chris Johnstone, Labor et Fides, 2018.
Ecopsychologie pratique et rituels pour la terre, Joanna Macy et Molly Young Brown, Le Souffle d’Or, 3ème éd., 2021

[2] Terme crée par le Mythologue Joseph Campbell

Photos : Pixabay

POUR APPROFONDIR

Pour le TQR en Belgique : http://www.terreveille.be/

Vous trouverez sur https://www.m-h-d.be/sept-cles-de-la-transition

  • Une présentation des 7 clés de la transition et un schéma résumé
  • L’accès à tous les articles que j’ai déjà publiés sur le sujet
  • La possibilité de télécharger gratuitement un E-book… une mise en bouche !

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L’auteur

Benoit Thiran

Benoit Thiran

Benoit Thiran, marié, père de 3 enfants, ingénieur commercial et de gestion, a derrière lui 29 années d’expérience professionnelle en gestion des relations et du changement, formation et coaching dans des secteurs très variés (multinationale, développement, non marchand, PME, projet BeLEAN à la SNCB). Il a une expérience particulière dans l’accompagnement des périodes de turbulences qui font partie du processus de transition pour aider les personnes et les groupes à découvrir le potentiel d’évolution qui s’y cache ! https://www.m-h-d.be/

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