Pourquoi est-ce qu’à chaque fois que vous arrivez avec une bonne idée, la première réaction que vous obtenez est une liste d’objections pour vous démontrer que cela ne marchera pas. Dès que vous proposez un changement, vous voyez arriver de toute part des personnes chargées de blocs de béton pour ériger autour de vous un grand mur.
Vous trouverez dans cet article une analyse précise de ce phénomène de résistance et des outils simples et puissants proposés par Jason Clarke, directeur de Minds at Work, pour emmener le changement.
Analysons les objections qui nous sont souvent présentées et dites-moi si vous reconnaissez certaines situations vécues : « ce n’est pas le moment », « ce n’est pas dans le budget », « cela a déjà été fait », « cela n’a jamais été fait », « ce n’est pas le bon endroit », « ce n’est pas comme cela que nous faisons ici », « la maison mère ne sera pas d’accord », « c’est politique », « on a toujours fait comme on fait aujourd’hui », « ce n’est pas notre problème », « c’est historique » …
Ce ne sont que des façons différentes de dire : « nous ne voulons rien changer ».
J’ai l’habitude de comparer cette situation à quelqu’un qui est assis dans un fauteuil sur une série de punaises qui lui rentre dans le derrière. Au lieu de se lever et de retirer les punaises une à une, il préfère rester assis, parce qu’il a toujours été assis là, et qu’il est habitué aux punaises, même s’il reconnait que ça gratte « un peu ».
Comment franchir ce mur du « nous ne voulons rien changer » ?
Des raisons infondées
La première chose à savoir est que les raisons invoquées ne sont pas fondées, il s’agit d’excuses pour ne pas bouger. Traduisons quelques unes des raisons évoquées plus haut :
- On a toujours fait comme ça » signifie « le problème est très ancien » : ce n’est donc pas un argument pour ne pas le résoudre aujourd’hui, cela revient à dire que ce problème aurait dû être résolu depuis longtemps ;
- « C’est la même chose partout » signifie « le problème est vraiment important » : ce n’est à nouveau pas un argument pour ne pas le résoudre ici, mais plutôt pour le résoudre partout ;
- « Ce n’est pas dans le budget » signifie « nous n’utilisons pas nos fonds de la bonne façon » ;
- « Ce n’est pas prévu » signifie « les gens qui ont établi la vision n’ont pas regardé aussi loin que vous » ;
- « C’est politique » signifie « j’ai appris à garder mes idées pour moi » ;
- « Nous avons toujours fait comme cela » veut dire « je ne sais pas pourquoi nous faisons de la sorte ».
Chaque raison est facile à réfuter. Si quelqu’un vous dit que c’est trop compliqué, dites-lui que vous allez simplifier le problème pour lui. S’il vous dit que c’est trop simple, proposez-lui de rendre le problème plus complexe. Si par hasard quelqu’un vous dit que vous n’êtes pas payé pour traiter ce problème, dites-lui que vous le faites gratuitement…
Les 7 raisons véritables de la résistance au changement
En réalité, les vraies raisons peuvent se regrouper en 7 familles :
- J’ai trop de craintes et d’émotions aujourd’hui pour réfléchir à quelque chose de nouveau (= je suis concentré sur les punaises sur lesquelles je suis assis…) ;
- C’est un choc pour moi, je ne suis pas préparé à cela ;
- L’idée me plait, mais j’ai peur de la transition ;
- Je n’arrive pas à cerner l’importance de ce changement ;
- Je ne vois pas ma place dans ce que tu proposes ;
- J’ai l’impression que je n’ai pas mon mot à dire sur ce qui se passe ;
- J’en ai marre de tous ces changements qui ne nous mènent nulle part, j’attends un vrai changement qui nous apportera un vrai mieux.
Le sentiment dominant exprimé est la peur. Si je n’en tiens pas compte, j’alimente la résistance.
Des outils pour surmonter la résistance
Pour lever les craintes et accueillir les émotions, le choc parfois, proposez au groupe de remplir un tableau à trois colonnes portant sur le changement dont il est question : ce qui est positif, ce qui est intéressant et ce qui est négatif.
Laisser les commencer par le négatif. Quelles émotions difficiles ressentez-vous quand vous pensez à ce changement ? Prenez le temps nécessaire pour que tout soit dit. Lorsque le groupe a exprimé toutes ses peurs et ses émotions, regroupez-les. Vous arriverez à 3 ou 4 points au maximum, toujours les mêmes.
Ensuite passez à la colonne du milieu. Demandez par exemple : « quelles sont les questions que pose ce changement », « qu’est-ce que ce changement met en lumière », « qu’est-ce que ce changement nous apprend ? » …
Enfin faites remplir la dernière colonne, c.à.d. le positif qui ressort de ce changement : « qu’est-ce que ce changement va nous apporter ? », « Qu’est-ce qu’il va améliorer ? », « quelles opportunités s’ouvrent à nous avec ce changement ? »…
Vous vous rendrez compte à la fin de cet exercice que la colonne de droite est la moins remplie. Une fois que nous avons pu déposer toutes nos peurs et nos craintes et que nous sommes invités à explorer ce qu’il y a de nouveau, d’intéressant, de bon pour nous, notre regard change. Nous avons ouvert la porte de notre bunker et nous découvrons de nouveaux horizons. Souvent, celui qui amène le changement se concentre sur toutes les résistances, il essaye de les réfuter les unes après les autres… Il reste dans la colonne du négatif, ou pire, il ne veut rien entendre : les craintes, les émotions, les peurs ne peuvent pas s’exprimer. Dans ce cas, la pression monte dans la casserole, le mur prend de la hauteur et continue à s’épaissir. Laissez les peurs s’exprimer jusqu’au bout et ensuite amenez le groupe à découvrir les cadeaux qui l’attendent.
Quand la transition fait peur
Parfois, les difficultés, l’inconfort, l’inefficacité de la situation actuelle est reconnue. La pertinence du changement proposé l’est également. Mais ce qui fait peur, c’est la transition. Pour ces personnes, le statuquo est vu comme un moindre mal vu l’incertitude du voyage. L’imagination humaine est puissante. C’est une force quand nous la mettons au service de l’innovation, mais quand elle alimente nos peurs, elle va renforcer notre paralysie. Imaginez que vous n’êtes pas trop à l’aise en avion. Vous adorez être en vacances dans un pays chaud au bord de la mer, mais vous redoutez le voyage. Disons que pendant le vol, vous traversez des turbulences. Si aucune explication ne vous est donnée, vous commencez à imaginer le pire, peut-être revoyez-vous des films de catastrophes aériennes : vous voyez déjà l’avion en chute libre s’abimer en pleine mer.
Par contre, si le commandant vous a prévenu :
« chers passagers, nous allons traverser une zone de turbulence qui va durer environ 8 minutes.
Il n’y a absolument aucun danger. Pour votre confort, veuillez attacher vos ceintures. »
Votre imagination n’aura plus besoin d’inventer les causes de ce qui se passe : vous avez reçu l’explication de l’expert et vous savez que c’est momentané et sans danger. Tout va bien.
Pour le changement, c’est pareil. Pour arrêter le délire de l’imagination galopante, il suffit de prévenir en expliquant toutes les difficultés que nous allons traverser, et en mettant en place des lieux où les peurs peuvent s’exprimer et trouver des réponses.
Les 4 portes pour mieux cerner le changement
Voici un autre outil qui permet de rassurer ceux et celles qui ont des difficultés à cerner l’importance du changement.
Il s’agit de 4 portes. La première porte est ouverte, elle concerne ce que nous pouvons faire dans la situation actuelle et qui restera possible à l’avenir. Laisser le groupe lister d’abord les possibilités dans la situation actuelle. Ensuite demander de souligner dans cette liste ce qui sera toujours possible dans la nouvelle situation. C’est la liste de ce qui ne change pas. C’est une liste qui rassure…
La seconde porte est fermée : elle représente tout ce que nous ne pouvons pas faire aujourd’hui et qui ne sera toujours pas possible demain. Cette liste va également rassurer car vous y trouverez des barrières qui protègent aujourd’hui et qu’il est bon de garder.
La troisième porte est fermée également : elle reprend tout ce que nous avons l’habitude de faire aujourd’hui et qui ne sera plus possible après le changement. Il est probable que dans cette liste soient repris des éléments plutôt négatifs et que tout le monde sera heureux de ne plus retrouver.
La quatrième porte s’ouvre sur ce que nous ne pouvons pas faire aujourd’hui et qui sera possible après le changement.
Cet exercice permet à chacun de voir clairement les conséquences du changement. Quand le tableau est rempli, il faut laisser du temps pour que chacun puisse l’intégrer et s’apaiser :
« OK je vois mieux maintenant où nous allons,
ce que nous allons abandonner et tout ce que nous allons gagner ».
Définir le « pour quoi » et laisser à chacun le comment
La plupart du temps les changements sont imposés. La raison du changement est peu explicitée, rarement intégrée, par contre le comment, c.à.d. ce qui va concrètement changer m’est imposé. Cette approche génère automatiquement une résistance solide et durable.
Pour éviter cette résistance et au contraire générer de l’appétence au changement, expliquez clairement le « pour quoi » du changement, l’objectif visé. Ensuite laissez la personne concernée décider du comment. Pour ce faire l’outil ci-dessus est très efficace : il s’agit d’un simple tableau qui reprendra ce que chacun ou chaque service impacté par le changement décide de garder, de supprimer, de changer et d’ajouter.
Imposer à chacun ce qu’il peut garder, ce qu’il doit supprimer ou changer et ce qu’il va ajouter, est le chemin le plus efficace pour créer des victimes, des personnes qui vont tout faire pour résister au changement en se plaignant continuellement. Si par contre, vous leur partagez la raison profonde du changement et le cap proposé et que vous laissez à chacun le comment, vous les transformerez en acteurs du changement.
Les gens n’aiment pas le changement…
Certains vous diront que de toute façon, vous avez beau utiliser toutes les techniques du monde, les gens n’aiment pas le changement.
Ce que les gens n’aiment pas c’est d’être changés, mais l’être humain n’a certainement pas d’aversion pour le changement, bien au contraire.
« Les gens ne s’opposent pas au changement, ils s’opposent à ce qu’on les change. »
Rich Teerlink, CEO de Harley Davidson de 1981 à 1999
Les 3 questions auxquelles il faudra répondre avant de lancer un changement seront donc :
- Le changement envisagé est-il réel ou apparent ?
- S’agit-il d’un changement culturel (changer notre façon de penser) ou d’un changement structurel (faire un peu plus de la même chose différemment).
- Le changement est-il imposé ou proposé ?
Un changement vrai, culturel et proposé librement fonctionne. Le changement cosmétique, structurel et imposé ne fonctionne pas.
Besoin de contribution
Un des besoins fondamentaux de l’être humain est notre besoin de contribution. Nous avons tous, profondément dans nos gènes, le besoin de contribuer à un monde meilleur. La construction de ce monde passe par le changement, c’est pourquoi tout être humain est aussi en quête de changement.
Si vous êtes un leader, que vous avez une vision, un rêve pour ce monde meilleur, vous pourrez vous appuyer sur ce besoin fondamental de chacun, ce besoin de contribution. A vous de vérifier si votre changement est véritable et culturel et de le proposer avec tact et intelligence en utilisant peut-être quelques un des outils proposés par Jason Clarke.
Comment ne pas terminer cet article avec Gandhi en reprenant cette citation que l’on voit de plus en plus, une preuve de plus que les hommes et les femmes de ce monde attendent le changement :
« Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde ».
Gandhi
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Contactez-moi si vous voulez faire évoluer la culture dans votre entreprise. Laisser vos commentaires au bas de cet article.
Que votre vie soit belle.
Pierre
Cet article est une synthèse la conférence du TED « Embracing Change » donnée par Jason Clarke à Perth, en Australie. Pour retrouver la conférence en anglais, suivez le lien : https://www.youtube.com/watch?v=vPhM8lxibSU. Jason Clarke est le directeur de « Minds at Work », un collectif de penseurs indépendants qui a pour objectif d’aider toute personne intéressée par la construction d’un monde meilleur.
Photo : Iván Tamás
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