Tu m’as appris à aimer

par | 2 Avr 2020 | Développement personnel | 0 commentaires

Nous voilà plongés dans une crise que personne n’a vu venir. Confinés chez soi pour la plupart, poursuivant courageusement un travail extérieur pour d’autres pour que chacun ait de quoi vivre et que les malades soient soignés. Beaucoup de réflexions intéressantes ont déjà été écrites sur ce temps que nous vivons actuellement. Benoît et moi avons décidé de vous partager quelque chose de différent, de plus personnel.

A 15 ans à Annevoie, pendant la guerre, avec un petit garçon du village. C’est la photo que nous avons choisie pour son souvenir.

Le début du confinement suite à la pandémie du Coronavirus (mars 2020 en Belgique) a pris pour moi une tournure toute particulière avec le départ de ma mère.

Suite à ces deux événements, le premier mondial et le second tout à fait personnel, je ne me voyais pas vous proposer un article sur le management, la gestion d’équipe ou le leadership. J’ai eu envie de vous partager ce que j’ai reçu de ma mère, depuis ma naissance et plus particulièrement ces derniers mois. A ceux qui me connaissent personnellement, cela paraîtra plus naturel. Pour les autres, ce texte plus intime et personnel leur semblera peut-être incongru sur notre blog-des-leaders ? A occasion exceptionnelle, communication exceptionnelle… Aujourd’hui je ne peux que vous transmettre ce qui déborde de mon cœur. J’espère que cela vous rejoindra.

Tu m’as appris à aimer

Après 91 années de pèlerinage sur terre ma mère nous a quittés ce dimanche 15 mars. L’héritage qu’elle me laisse m’est très précieux. De plus, il a ceci de particulier, c’est que plus je le partage, plus il grandit.

Je suis le dernier d’une famille de 5 fils. L’accident, le fruit de l’amour insouciant entre deux êtres, mes parents qui m’ont toujours donné l’exemple d’un couple aimant et uni, attentifs l’un à l’autre au-delà de leurs très grandes différences. Mon père était un intellectuel et un spirituel. Ma mère était plus terre à terre, elle ne manipulait pas les idées avec aisance, mais se mettait jour après jour au service de ses enfants, de ses proches et de toute personne dans le besoin. Sa foi n’était pas portée par une pensée théologique, mais par la confiance sans faille d’une petite fille envers son Père du ciel. Deux êtres tellement différents qui ont traversé côte à côte 62 années de mariage, jusqu’au départ de papa en 2010. Oui, leur exemple m’a montré dans le concret du quotidien ce qu’est l’amour.

Autant j’avais de l’affection pour mon père, autant je n’en ressentais pas pour ma mère jusqu’à il y a un an environ. C’est à croire qu’elle a attendu que je l’aime enfin, pour rejoindre celui qui lui manquait tant.

Commençons par le début. Après « l’accident », je me suis mis à grandir au creux de son ventre. Elle adorait les enfants. Je sais donc combien elle a dû se réjouir de me savoir en elle, de sentir après quelques mois mes mouvements et de voir son ventre s’arrondir au fur et à mesure que le jour de ma naissance approchait. Dès ma conception, j’ai vécu à l’école de l’amour.

A ma naissance, elle a dû avoir un court instant de déception en découvrant que j’étais un garçon. Elle aurait aimé une fille, mais après ses 4 premiers fils, elle ne se faisait plus beaucoup d’illusions. Avec attention, douceur et affection elle m’a nourri au sein pendant 6 mois. L’allaitement maternel c’était sacré pour elle. Là encore j’étais à l’école de l’amour.

Petit dernier, je peux dire que j’ai été très gâté. Mes trois frères aînés avaient subi l’éducation autoritaire de mon père qui par la suite a eu comme une prise de conscience et a changé son approche pour ses deux derniers fils en leur offrant davantage de douceur et d’autonomie. Je peux dire que je pouvais tout faire. Comme j’étais un enfant plutôt sage, social et studieux, je ne pense pas avoir abusé de la confiance qui m’était donnée. Ce qui a dû confirmer chez mon père que son choix était le bon. Quand certains de ses amis lui faisaient remarquer qu’il était beaucoup plus laxiste avec moi qu’avec ses aînés, il répondait qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis.

Ma mère s’occupait de toute la famille et du ménage. Tout était impeccable. Certains détails me gênent aujourd’hui tellement c’est devenu impensable. Par exemple, le soir, je mettais mes chaussures devant la porte de ma chambre et le lendemain matin je les retrouvais cirées et étincelantes à la même place. Maman était passée par là. C’était sa façon de me dire « je t’aime ».

Maman était une cuisinière hors pair. C’était une de ses autres façons de nous manifester toute son affection. En écrivant ces quelques lignes, j’ai encore en bouche le goût des bécasses cuites à point (juste rosées) nappées de cette sauce dont elle avait le secret (*). Je devrais vous parler également des colverts à l’orange, des ramiers, des faisans, des gigues de chevreuil et autres râbles de lièvres à la moutarde. Si j’attaque le chapitre des desserts, je risque de vous perdre : ils avaient de loin sa préférence. La pâtisserie, c’était son domaine de prédilection : fondant au chocolat, saint-honoré, Paris-Brest, suave au chocolat ou aux pommes, bavarois aux framboises, sabayon au porto avec sa boule de glace, les pièces montées à deux trois et parfois quatre étages pour les grandes fêtes sans oublier ce petit train qu’elle avait conçu avec sa kyrielle de wagons posés sur des rails en réglisse à l’occasion d’un de mes anniversaires. Chaque gâteau était pour elle une déclaration d’amour. Prendre soin de sa tribu, c’était toute sa vie.

Malgré tout cela et bien d’autres choses, je ne ressentais pas pour elle de véritable affection. Quand elle me prenait dans ses bras ou m’embrassait, j’avais plutôt envie de m’écarter. Je n’arrivais pas à l’aimer vraiment.

J’ai grandi, je me suis marié avec Isabelle, nos enfants sont nés. Et là encore, maman a été une grand-mère que mes enfants n’oublieront pas tant ils étaient toujours accueillis avec joie, affection et moultes gâteaux.

Mes parents ont vieilli. Ils ont traversé la crise de la faillite de l’entreprise familiale, la visite des huissiers, la vente de la maison, de leurs plus beaux meubles… Mais là aussi, c’était l’école de l’amour. Ils se sont centrés non pas sur leurs misères, mais sur leurs vraies richesses : leur amour l’un pour l’autre, l’amour de Dieu, l’amour de la vie, l’amour des plus pauvres. Ils se sont entre autres mis au service de personnes handicapées et des plus âgés qui étaient parfois plus jeunes qu’eux. Et puis, papa a attrapé ce cancer. La cigarette qu’il avait abandonné depuis des décennies l’a finalement rattrapé. Maman commençait à ce moment à manifester des troubles de la mémoire. Ils s’occupaient l’un de l’autre avec tant de bienveillance. J’étais à nouveau à l’école de l’amour. En moins d’une année le cancer a gagné et papa nous a quittés. Le monde de maman s’écroulait. Elle s’est révoltée, a crié sa colère et sa tristesse : « c’était injuste de séparer deux êtres qui se sont tant aimés pendant si longtemps ». Cette révolte a duré quelques années tandis que les symptômes d’Alzheimer devenaient de plus en plus manifestes. A partir de 2015 environ, elle a retrouvé la paix.

Ne pouvant plus vivre seule et ne désirant pas être à charge d’une de ses belles-filles, peu après la mort de papa elle alla vivre dans une résidence pour personnes âgées. Mes quatre frères et moi allions régulièrement lui rendre visite. Sa maladie progressait à grands pas. Elle m’a toujours reconnu, me confondant parfois avec son frère ou même mon père.

Je n’avais pas fini ma formation à l’école de l’amour. Malgré tout ce que j’avais reçu depuis ma conception, il me restait à découvrir l’essentiel et c’est précisément au cœur de sa maladie qu’elle m’a appris cet essentiel. Jean Vanier m’y a aidé. Dans un film relatant l’aventure de l’Arche, il explique que les personnes mentalement différentes nous apprennent à faire descendre notre tête dans notre cœur.

Faire descendre ma tête dans mon cœur…

Qu’est-ce que cela veut dire ? Elle qui n’avait plus toute sa tête avait toujours son cœur qui nous manifestait toute sa joie à chacune de nos visites. Un an avant sa mort, j’ai commencé à la rejoindre à partir de mon propre cœur en laissant ma tête de côté. Pour ce faire, j’ai utilisé le toucher. J’ai commencé à lui prendre la main et à la caresser pour lui manifester mon affection. A partir de mon cœur plutôt que de ma tête, j’ai appris à l’embrasser sans plus ressentir ce dégoût qui se mettait entre mon cœur et le sien. J’ai dès lors pris goût aux visites régulières. Chacune est devenue comme un coaching d’amour pour moi. Apprendre à aimer, n’est-ce pas le plus beau des programmes. Merci maman, tu as été ces derniers mois une coach extraordinaire pour moi.

Maman en plein coaching…

Ce dimanche 15 mars, nous étions 4 de ses 5 fils autour d’elle, mon frère Benoit ne pouvant être physiquement présent vu le confinement en France était de cœur avec nous. Le médecin nous avait prévenu qu’elle vivait ses dernières heures parmi nous.  Ce fut un moment très fort. Bien que ne parlant plus et regardant fixement en l’air, il est clair qu’elle nous attendait pour partir. Comme à mon habitude, je lui ai pris la main pour lui dire mon amour, ma gratitude pour cette vie qu’elle m’a donnée, ma fierté d’avoir été son fils. Après moins de 20 minutes, elle s’en est allée rejoindre papa. Merci maman, pars en paix, ton coaching est terminé : tu m’as appris à aimer.

Et vous ?

Comment vivez-vous la dimension du cœur dans votre entreprise ou plus largement dans votre vie ? Votre tête est elle connectée à votre cœur ?
Les grands leaders ne sont-ils pas celles et ceux qui ont suivi l’élan de leur cœur bien avant d’écouter leur tête ?

Je vous laisse avec cette question (une dernière) :

A quoi votre cœur vous appelle-t-il ?

Que votre journée soit belle,

Pierre

Mes parents lors de leurs 60 ans de mariage.

Bon vent les parents et merci pour la vie et l’amour que vous m’avez donnés

D’autres articles sur le Blog des Leaders qui vous parlent du cœur :

(*) Le secret de la cuisson des bécasses et surtout de la sauce, c’est de cuire ces bestioles sans les vider. A la fin de la cuisson, les entrailles et le jus de cuisson sont les ingrédients magiques d’une sauce au gout incomparable… surtout quand on ne connait pas la recette…

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L’auteur

Pierre de Lovinfosse

Pierre de Lovinfosse

Coaching individuel, de groupe et formations. Il s’est donné pour mission d’aider les dirigeants à mettre leur entreprise au service de l’humain : l’entreprise comme ressource pour l’humanité, plutôt que l’homme comme ressource pour l’entreprise. Il s’intéresse tout particulièrement à la problématique du leadership qui constitue son sujet principal de coaching et de formations. https://www.effatacoaching.com

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