6ème clé – Transformer les tensions en opportunités

par | 18 Fév 2022 | Développement personnel, Motivation, Non-violence active | 0 commentaires

Les contractions de la transition : accueillir les fragilités, accepter les paradoxes et les passages difficiles apporte une force… Le levier n’est pas à l’extérieur, il est à l’intérieur de chacun !

Conte : Chaque chose a son sens

Entre deux branches d’arbre, dans un creux, une chrysalide.

Un homme l’observe. Il devine une ouverture minuscule dans cet œuf qui ressemble à un ongle d’écorce. Un papillon, bientôt, va naître. L’homme le voit, qui s’insinue par ce trou trop menu pour lui, et qui s’efforce, et qui s’échine, un millimètre après un autre, et qui semble tant s’épuiser qu’il s’arrête, à demi sorti.

« La pauvre bête n’en peut plus, se dit l’homme. Je vais l’aider. » De la pointe de son canif, il élargit la porte étroite. Le papillon, d’une poussée, vient au monde enfin, se délivre, mais son corps est gonflé, pesant, et ses ailes sont trop petites, elles paraissent ratatinées. L’homme pense qu’elles vont bientôt se déployer, et que ce ventre qui se traîne, obèse, disgracieux, va perdre ce poids qui l’encombre, mais non, le papillon est informe à jamais.

L’homme ne savait pas que l’insecte, pour vivre, avait besoin de son combat, que son effort exténuant contre l’exiguïté du seuil poussait le liquide du corps vers les ailes encore chétives pour leur donner leur force, leur exacte beauté, leur juste dimension. Il avait cru bien faire, comme nous qui voulons aplanir les obstacles devant les pas de nos enfants. Ils n’en seront pas plus heureux et risquent d’en rester infirmes.

La loi de la nature le dit.

Henri Gougaud, L’Almanach

Confrontés à nos fragilités et notre pauvreté.

Confrontés à nos fragilités et notre pauvreté.Si nous sommes engagés sur ce chemin de transition, tôt ou tard, nous le vivrons. Les forces de vie que nous essayons de faire advenir rencontrent la résistance des formes de mort présentent au cœur de nos réalités. C’est à la fois notre propre chemin et en même temps un enjeu qui dépasse largement notre vie et notre personne, par exemple dans la « lenteur » de notre monde à réagir face au réchauffement climatique.

Cela peut être, entre autres, dû à nos « gardiens du seuil ». En étudiant les mythes, les légendes et récits d’aventure du monde entier, le mythologue Joseph Campbell (1) a inventé ce terme pour décrire les obstacles qui gardent ou bloquent le chemin. Nous pouvons revisiter nos propres vies sous cet angle.

C’est toute notre humanité qui doit accoucher, mais cela passe par chacun de nous. Aussi, savoir à l’avance ce qui est vraiment dangereux d’une part, et d’autre part, ce qui fait peur ou fait souffrir, mais n’est pas vraiment dangereux, nous aidera à rester debout dans notre traversée.

Refaisons rapidement le chemin déjà parcouru avec les 5 premières clés de la transition.
Celui qui s’est branché sur ses moteurs en synergie avec ceux des autres (1ère clé),
qui a pris conscience de son regard violent et essaye de le faire basculer (2ème clé),
qui s’exerce à danser avec les ténèbres et la lumière (3ème clé),
qui a osé faire face à ses dragons et traverser ses peurs (4ème clé),
qui s’est engagé au sein de la violence, qui a posé des actes de Bonne Puissance et qui essaye d’en assumer les conséquences (5ème clé)…
Celui-là s’est très certainement enrichi, mais dans cette étape, il se sent plutôt pauvre.
Chacun de nous, quand il se sent désarmé, faible, incapable et qu’il l’admet, est un pauvre.
Le drame, c’est chaque fois que nous refusons d’admettre notre pauvreté, de peur d’être rejetés.
On nous a appris qu’il fallait être le meilleur, le plus fort, le plus solide, celui qui gagne…
car les pauvres, les faibles, les fragiles, les mal aimés, les démunis sont méprisés ;
la société les met de côté.

Voici le témoignage de Bruno Sita, CEO du Groupe Sita, que j’accompagne, avec mes collaborateurs de « The Enablers », sur le chemin de la libération.

« Quand je repense au chemin de libération chez nous, je me revois au début, porteur du projet. J’étais attentif à tous les mots qui sortaient de la bouche de mes collaborateurs. Je voulais les corriger, qu’ils aient le même niveau de compétence et d’envie que moi ! Je ne me rendais pas compte, à ce moment-là, que j’étais complètement à côté de la plaque. Je m’occupais plus de faire évoluer les autres que de me faire évoluer. J’étais convaincu du concept mais complètement incapable de l’incarner dans ma posture et dans l’acceptation que les choses doivent évoluer avec une vitesse qui ne soit pas celle que je décide. Au bout du compte, ça me ramène à une forme d’impuissance.
Je peux être « le maître » des modifications, plus ou moins rapides, chez moi. Dieu sait que j’ai constaté qu’avoir l’intention de changer ne veut pas dire changer. Pour changer vraiment, il faut passer plusieurs étapes. Modifier ses habitudes demande un vrai travail au quotidien. Je voulais prendre des raccourcis.
Aujourd’hui, j’en suis arrivé à une acceptation : laisser chacun évoluer à son rythme.
Je pense que ce qui est le plus freinant, dans une évolution individuelle, c’est de ne pas oser révéler ses vulnérabilités et de ne pas y faire face… Ne pas pour autant devenir fort. L’acceptation de nos finitudes, de ce qu’on identifie comme des faiblesses, et qui parfois aux yeux des autres ne le sont même pas… Tout ce qu’on n’ose pas montrer. En ce qui me concerne, c ‘est difficile d’affronter que je ne suis pas aussi puissant que je le pense. Je suis dans l’abnégation et la persévérance mais ça ne veut pas dire que je peux tout impacter.

Quand nous arrivons à traverser cette difficulté-là, à l’accepter et à oser la montrer, c’est incroyable l’effet que ça fait sur les autres. On me dit : « tu me mets plus à l’aise pour oser être vulnérable ».
Ce que je me permets, je le permets aux autres. C’est une révélation importante : vouloir impacter le monde extérieur, c’est d’abord se changer soi, changer sa posture. C’est un travail qui prend du temps, un réel investissement !

J’ai beau décider de changer et mettre en place différents outils, je me rends compte à quel point je retombe dans certains travers. Ça m’aide à comprendre les autres dans leur difficulté personnelle. C’est une clé fondamentale ! Si tu ne travailles pas sur toi, tu as moins d’empathie. J’ai un exemple par rapport à un nouvel employé en grosse difficulté personnelle. Je me suis mis à son écoute et à sa disposition plutôt que, comme avant, dire « secoue-toi un peu ! ». Aujourd’hui, il a repris la force d’agir pour sa propre vie. Il s’investit aussi beaucoup dans les processus de changement de notre entreprise.
Il s’agit d’accepter que la personne soit en fragilité. Ne pas chercher à solutionner… Soutenir la personne dans son chemin et ne pas vouloir la forcer. J’ai l’image du jardinier, dont on parle souvent dans l’entreprise libérée. Tu dois détecter de quel type de plante il s’agit. Lui apporter le type de soin dont elle a besoin. Et ne pas tirer dessus pour qu’elle pousse plus vite ou l ‘arracher parce que c’est une « mauvaise herbe ».

Notre regard est obnubilé par la difficulté, l’obstacle

Quand nous sommes devant un obstacle qui nous parait important, souvent, une petite voix intérieure nous susurre :

« Tu t’es attaqué à trop gros ! Trop puissant ! Tu n’es pas capable ! »

Voilà le « gardien du seuil » de l’incrédulité qui tente de nous protéger et, ce faisant, risque de nous paralyser.
C’est souvent à ce moment-ci que la violence montre ses muscles.
Comme le dernier sursaut de celui qui étouffe.

Dans une entreprise « en voie de libération », suite à l’effondrement du marché, les résultats du dernier trimestre n’étaient pas bons. Sous la pression du marché et de ses actionnaires, la directrice, moteur principal de la démarche de libération, avait tendance à retomber dans ses vieux réflexes de contrôle. Quoi de plus légitime, ceux qui ont été directeurs le comprendront immédiatement : il s’agissait pour elle de « sauver » l’entreprise et le processus de libération. En attendant, tout le monde l’avait senti… Tous retenaient leur souffle !

Situation de « mort » et de violence à l’extérieur… Sensation d’impuissance et de violence, peur de la souffrance et de la mort, à l’intérieur de la directrice… Risque d’une contagion qui détruirait leur projet commun et plusieurs d’entre eux…

Comme couple, nous avons fait un chemin immense qui nous donne souvent de vivre une relation vraie et intense, dans la joie comme dans les épreuves. Pourtant, il nous arrive encore d’être prisonniers de nos filets relationnels. Pas qu’il faille un déclencheur exceptionnel : un simple ping-pong qui dégénère en escalade peut faire très mal. Prenons un exemple typique :
Je dis à ma femme ma souffrance de ne pas m’être senti écouté alors que je lui partageais quelque chose d’intime et important, presque « sacré », pour moi ! (= mon transparent et son rayé)
Elle me répond : « Excuse-moi mais je dois absolument terminer ce rangement avant que les amis n’arrivent » (son transparent). Aucun accusé de réception de ce que je viens d’exprimer, elle se justifie…
Pour peu que je ne sois pas moi-même bien connecté à ce que je veux vivre avec elle en ce moment, j’aurai vite fait d’en remettre une couche :
« Et voilà, de nouveau tu te justifies, c’est toujours la même chose… »
La suite est facile à imaginer. Il y a quelques années, nous pouvions monter très haut, trop haut dans cette escalade de violence qui nous fait descendre dans nos « ténèbres relationnelles ». Aujourd’hui, nous avons la sagesse de nous arrêter plus tôt. Comme si le fond du trou était remonté ! Bien sûr, cela fait mal même si cela a perdu le pouvoir d’ébranler notre « nous ».

Que ce soit au sein d’un groupe, comme dans le premier exemple, dans une situation interpersonnelle, comme dans le 2e exemple…

La tempête se déclenche toujours d’abord au niveau personnel

Je pourrais témoigner ici de ce que j’ai déjà vécu plusieurs fois, comme tant de personnes qui sont déjà descendues dans leur vulnérabilité profonde (pour moi lors du décès de ma sœur Isabelle et de mon burnout). L’enjeu se situe quand les sensations corporelles et/ou les sentiments et/ou les pensées expérimentées durant ces périodes refont leur apparition. Les premières fois, cela a provoqué en moi une angoisse fulgurante et envahissante. « Non, pas ça ! Je ne veux pas revivre ces ténèbres ! » … Et des réflexes de résister, de me sauver, qui ne font qu’aggraver la situation. « Je n’y arriverai jamais, je suis beaucoup trop fragile et faible ! » avec l’angoisse et le risque de me perdre définitivement dans un trou sans fond. Cette expérience, chaque fois qu’elle se répète, vient pourtant attester le contraire : le trou n’est pas sans fond, il donne sur la lumière d’un jour nouveau.

Appréhender différemment ces descentes inhérentes au cycle de la vie

« Cela paraît toujours impossible jusqu’à ce que ce soit réalisé. »

Nelson Mandela

« Ce n’est pas l’impossible qui pourrait demain nous désespérer mais l’idée lancinante des possibles que l’on n’a pas osé atteindre. »

Jean Monnet

La sixième clé nous ouvre alors un passage car elle nous permet d’entendre une autre petite voix intérieure qui nous chuchote avec tendresse :
« Tu n’es pas ici, dans ce groupe, dans ce combat-pour-la-vie, pour montrer à tous comme tu es fort, talentueux, généreux… Ni pour t’occuper des autres plus pauvres… Ta présence prend tout son sens parce que tu es un pauvre, comme les autres… N’aie pas peur. Le fait de renoncer à la violence te donne un sentiment d’impuissance et tu rejoins là l’Âme du monde. Elle ne peut que donner la vie, créer, elle ne peut pas détruire. »

Cette voix nous met en garde et nous prévient à l’avance.

N’ayons pas peur !

Quand la violence extérieure se déchaîne, que les abîmes extérieurs croissent, l’Homme est pris dans ses abîmes intérieures. Il a l’impression que tout se resserre, il vit dans tout son être un phénomène de diminution, jusqu’à croire qu’il va y laisser sa peau… Ce sont les douleurs d’un enfantement !

« Comprenez-vous ce que je dis quand je vous dis : « n’ayez pas peur » …
N’ayez pas peur de mourir !
Je vous le dis ce soir : « aucun homme n’est libre s’il a peur de mourir. L’homme qui a peur de mourir n’est pas libre
mais à l’instant où vous surmontez la peur de mourir, à cet instant, vous êtes libres ! ». Il faut vous dire :
« je n’ai pas beaucoup d’argent, je ne suis pas très instruit, je ne sais peut-être pas lire ou écrire mais j’ai la force de mourir ! »

Martin Luther King (2)

Notre monde doit accoucher de son humanité… Nous sommes en train d’y participer !

Cette petite voix nous donne quelques repères pour nous aider dans ce passage.

Ce qui est vraiment dangereux et ce qui ne l’est pas

Nous pouvons être amenés à traverser trois types de violence :

Les violences qui nous dépassent et détruisent à grande échelle

Guerres, famines, pandémies, tremblements de terre, crises financières ou écologiques planétaires, etc.
Ne nous laissons pas égarer. Cela fait peur, les souffrances peuvent être intenses… Mais si j’ai peur de souffrir/mourir, je commence déjà à souffrir/mourir. Je risque de survivre plus que de vivre, de faire des choix qui me coupent de la vie, de perdre le sens de la vie. J’ai déjà abordé ce thème, notamment avec le témoignage de notre ami rwandais Laurien Ntezimana, dans l’article « 4ème Clé – Entrer dans l’impossible-possible ? ».

« Les crises auxquelles nous sommes confrontés comportent bien entendu des dangers, mais elles sont aussi des opportunités de comprendre les causes qui nous y ont précipitées et d’assumer notre responsabilité en changeant ces causes, en apportant d’autres réponses.
En grec, Crisis signifie « le choix ». À nous de comprendre la signification des crises et de choisir une direction.
Signification et direction donnent le sens. J’ai donc beaucoup d’espoir ! »

Thierry Janssens

Les violences dirigées contre nous, qui nous touchent personnellement.

Prenons garde à nous-même, ne nous laissons pas contaminer par ceux qui s’acharnent contre nous, refusons d’entrer en mimétisme avec la violence qu’ils nous font subir.
C’est le temps du témoignage : si nous tenons bon jusqu’au bout, si nous gardons notre regard ouvert, les mots justes nous seront donnés comme jaillissant d’une source intérieure. Notre attitude mettra en lumière la violence, pas le ou les violents. Ces violences n’ont pas non plus le pouvoir de nous détruire dans notre humanité profonde, notre vie unique, notre vrai nature.

« La véritable grandeur d’un homme ne se mesure pas à des moments où il est à son aise,
mais lorsqu’il traverse une période de controverses et de défis. »

Martin Luther King

« Chaque homme dans sa nuit s’en va vers sa lumière. »

Victor Hugo

Les violences qui détruisent en nous le lien avec la Vie…

Notre lien avec notre reliance avec toutes les autres formes de vie qui nous entourent, avec la part divine de l’humanité qui est en nous, avec notre vraie nature ; les violences qui nous font croire que tout ce que nous avons cru, senti et fait dans le sens de ce chemin de transition n’est qu’illusion, foutaise, voie sans issue ! Ces violences qui nous font douter, nous rendent aigris et désillusionnés ; qui détruisent ce qu’il y a de plus sacré en nous, notre confiance dans la Vie, en la bonté fondamentale de l’être humain, en l’Amour !
Ces violences-là sont vraiment dangereuses !

Elles ont le pouvoir de nous détruire dans notre humanité profonde, notre vie unique. Dès que nous les percevons, ayons la sagesse de nous réfugier dans un lieu de silence et de sécurité ; un lieu où nous pourrons faire taire toutes ces voix intérieures mensongères, faire toute la place à notre intériorité et laisser émerger notre vie profonde, goûter notre lien avec l’Âme du monde. Prenons garde, même si cette violence ne peut pas torturer et tuer notre corps, elle peut tuer notre âme, notre humanité profonde.

En résumé, le vrai danger est intérieur à chacun de nous ! C’est une bonne nouvelle : il n’est pas à l’extérieur de nous ! Le vrai danger est de perdre notre humanité profonde et la confiance en la bonté de la Vie et de l’être humain…

Dans mon prochain article, nous continuerons avec cette 6ème clé, en approfondissant le discernement des petites voix intérieures… Celles qui nous mènent à la vie… et celles qui nous mènent à la souffrance, la division, la violence, la mort.

Notes : (1) Joseph Campbell, le héros aux mille et un visages, Paris, Robert Laffont, 1977
(2) Birmingham, Alabama avril 1963

Photos : Pixabay

POUR APPROFONDIR

Vous trouverez sur https://www.m-h-d.be/sept-cles-de-la-transition

  • Une présentation des 7 clés de la transition et un schéma résumé
  • L’accès à tous les articles que j’ai déjà publiés sur le sujet
  • La possibilité de télécharger gratuitement un E-book… une mise en bouche !

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

L’auteur

Benoit Thiran

Benoit Thiran

Benoit Thiran, marié, père de 3 enfants, ingénieur commercial et de gestion, a derrière lui 29 années d’expérience professionnelle en gestion des relations et du changement, formation et coaching dans des secteurs très variés (multinationale, développement, non marchand, PME, projet BeLEAN à la SNCB). Il a une expérience particulière dans l’accompagnement des périodes de turbulences qui font partie du processus de transition pour aider les personnes et les groupes à découvrir le potentiel d’évolution qui s’y cache ! https://www.m-h-d.be/

Recherche

Catégories

Thématiques

SUIVEZ-NOUS

Pin It on Pinterest