Régulièrement, la mise en place d’une gouvernance participative et de l’Intelligence Collective dans les organisations n’aboutissent pas aux résultats attendus : la prise d’initiative reste timide, les résultats des groupes de travail lancés tardent à venir et sont parfois décevants. Dans les lignes qui suivent, je vous propose de découvrir pourquoi cela ne marche pas aussi bien que prévu et comment surmonter cette limite pour en tirer tous les bénéfices.

Depuis plus de 25 ans, je forme mes clients à l’Intelligence Collective (IC) et je la pratique avec eux. Les « principes source », mis en évidence pas Peter Koenig, m’ont aidé à sortir de certaines impasses et à équilibrer le mode de gouvernance d’un groupe qui veut allier Humanité et Robustesse.

L’objectif de cet article n’est pas d’expliquer en détails les « principes source ». Pour cela, je renvoie le lecteur à l’ouvrage de Stefan Merckelbach1. Pour ma part, je me limiterai à en exposer les grandes lignes et je vous partagerai, au travers d’exemples vécus dans le cadre de mon activité professionnelle, comment ces principes ont permis à mes clients de vivre une transition réussie vers une gouvernance participative et l’Intelligence Collective.

Nous sommes tous « personne source »

Dans toute situation où je prends une initiative, je mets quelque chose en marche qui n’était pas en mouvement. Ce faisant, je deviens “source”, comme la source d’un petit ruisseau commençant bien haut dans la montagne. En tant que “personne source”, je suis bien la personne qui a pris l’initiative de sa mise en œuvre, mais je ne suis pas pour autant moi-même l’origine de cette initiative : l’idée m’en est venue, l’intuition m’est survenue, tout d’un coup l’inspiration était là. L’idée est un cadeau. La “personne source”, en prenant conscience de cela, adopte une attitude humble vis-à-vis de son idée, dont elle se reconnaît le dépositaire plutôt que le propriétaire…
Être source, c’est un service, non pas une propriété !

La personne source effectue trois grandes tâches

En substance, ces tâches correspondent à ses trois principaux rôles :

  1. Elle reçoit des intuitions (idées, visions) et s’investit dans la réalisation en prenant des initiatives et des risques. C’est son rôle d’entreprenant, comme dirait Guibert del Marmol2.
  2. Elle inscrit son initiative dans un futur en clarifiant tout au long de son évolution les prochains pas qui sont à faire pour la développer et elle communique chaque fois cette clarté aux autres. C’est son rôle de guide.
  3. Elle veille à ce que le cadre de l’initiative, exprimer par la raison d’être, les valeurs et les objectifs, soit respecté. C’est son rôle de veilleur, comme j’aime à le nommer.

Bien sûr, si elle veut que son projet prenne de l’ampleur, elle va accueillir d’autres personnes dans son projet. Cependant, tant qu’elle ne transmet pas son rôle de personne source, elle restera la “source globale” du “champ“ qu’elle a créé, c’est-à-dire du ”terrain de jeu” sur lequel son initiative se développe. Ce champ est comme une cellule vivante.
En accueillant quelqu’un dans le projet, la source globale lui offre une place dans son champ. En acceptant sa désignation, cette personne devient la “source spécifique” de cette partie du champ, qui devient son champ ! Dès cet instant, elle en porte la pleine responsabilité de source (entreprenant, guide et veilleur), qu’elle exerce en respectant toutefois le cadre que la source globale a fixé au projet. Un seul projet peut ainsi accueillir une cascade de sources spécifiques, autant qu’il en faut pour le réaliser.
J’aime représenter une organisation, comme la formation d’un fleuve, depuis ses différentes sources jusqu’à l’estuaire…

Plusieurs personnes, d’organisations que j’accompagne, m’ont posé la question :

N’est-ce pas une autre façon de présenter et de faire accepter la hiérarchie ?

J’y vois plusieurs différences fondamentales :

  • En termes de flux : dans la hiérarchie, les flux sont organisés de haut en bas et de bas en haut, avec des “nœuds de passage obligatoires”.
    Ici, tous les flux vont vers “l’océan“, notre objectif commun.
  • En termes de service du bien commun : chacun·e est au service et contribue aux objectifs communs et plus seulement à ceux de son supérieur ou département.
  • En termes d’autonomie et de collaboration : dans la hiérarchie, chacun·e reçoit des objectifs et instructions de son supérieur et doivent leur reporter.
    Ici, chacun·e est source de sa ”rivière”, en collaboration et en recherche de synergie avec les autres sources. La source globale veille sur cette collaboration et synergie.
  • En termes de responsabilisation : qu’on soit source globale ou spécifique, on est invité·e à vivre pleinement sa responsabilité de source dans son domaine propre, en la sachant reliée et réciproquement dépendante de celle des autres sources.

Trois exemples récents

Malgré nos décisions prises en Intelligence Collective (IC), cela dysfonctionne entre certains de mes collaborateurs…

Un directeur général, d’une organisation dans laquelle l’IC est déjà bien implantée, me parle de « Petites difficultés qu’il n’avait plus » Il est étonné du changement d’attitude de son responsable logistique, et des répercussions sur les relations avec les chefs de projets. Il constate 3 changements visibles : une distance croissante entre eux ; le responsable logistique prend de moins en moins son rôle de leader ; il est de plus en plus dans la plainte et la critique… « Pourtant, ils fonctionnaient très bien ensemble« , me dit-il, « Ils sont responsables et ils ont les outils pour régler ça entre eux »… « Et, s’ils n’y parviennent pas, pourquoi ne viennent-ils pas me trouver ? »… « Des idées, j’en ai, mais j’attends que ça vienne d’eux »… Résultat : par crainte d’ingérence, de retour à sa posture d’avant, lui non plus n’a pas bougé, me dit-il. Après l’avoir aidé à réfléchir sur son rôle de source globale, il reprend conscience de son rôle de veilleur du cadre. Il décide de déclencher un rendez-vous avec le responsable logistique, pour ouvrir la discussion, et, dans un second temps, une réunion en IC avec les autres. Il vivait une attitude un peu désabusée, découragée : « C’est vraiment dommage, à ce stade… je ne comprends pas pourquoi ? ». Il est passé à une attitude d’entreprenant, de guide et de veilleur. Il a pleinement assumé ses rôles de source ! À présent, il y voit « une occasion d’aller vers un mieux ».

Au cœur de la crise et de l’urgence, j’ai lâché mon rôle de source

Le responsable d’une autre organisation vient de vivre un mois et demi pendant lequel il a dû œuvrer d’arrache-pied pour sauver son organisation suite à un grave faux pas. Il est embêté. Il me dit : « Je n’ai pas eu le temps d’être à l’écoute, j’ai pris les décisions tout seul »… « Je me suis aussi posé beaucoup de questions sur la capacité de mes collaborateurs à assumer des projets ambitieux et les grosses épreuves »… « Je ne leur ai pas parlé de ce que je vivais, parce que je ne voulais pas leur transférer mon découragement « 
En cours de coaching, il prend conscience que :
• son rôle de source peut impliquer ce « rôle de pompier », s’il y a le feu,
• il a « manqué 2 marches ». Il aurait dû davantage communiquer, de manière brève, sur sa posture et préciser le prochain pas pour chacun.e.

Il a fait le lien avec notre travail sur l’autorité. Exercer l’autorité, cela veut dire autoriser, c’est-à-dire, mettre en sécurité et en liberté, grâce à un cadre clair. Il m’a dit : « C’est évident que ces deux manques de ma part ont largement contribué à la paralysie et passivité de mes collaborateurs, et à ma surcharge ! J’aurais plutôt dû être le capitaine des pompiers.« 

Nous avons lancé un processus en IC et nous sommes déçus

Dans une autre entreprise, un grand site industriel, je travaillais en IC avec le « middel management » (une trentaine de personnes), 2ᵉ niveau après le directeur général (DG). Cet espace leur était offert pour améliorer la collaboration transversale entre leurs services. En cours de travail, le DG et son comité de direction (CODIR) ont eu l’impression que le groupe évitait d’aborder les problématiques les plus importantes. Ils avaient démarré des groupes de travail sur des aspects secondaires. Le DG et les autres directeurs ont repris leur rôle de source. Ils ont demandé au groupe de réorienter les groupes de travail sur des aspects essentiels (rôle d’inspiration). C’est le DG (la source globale) lui-même qui est venu l’annoncer et participer à cette journée. Le CODIR s’est rendu compte qu’ils n’avaient pas assumé leur rôle de source dans un processus qu’ils avaient lancé. Ils ont décidé et prévu la participation d’un membre du CODIR à chacune des journées de travail futures. L’IC est puissante, comme je l’ai développé dans mon article « Puissance et limites de l’intelligence collective (IC)« , mais elle nécessite d’être conjuguée avec des sources bien présentes. Ces deux approches peuvent paraître évidentes. Elles sont simples dans leur conception, mais elles demandent une évolution personnelle et collective qui, comme tout changement, n’est pas facile.

J’aime mon rôle de formateur, accompagnateur et facilitateur : voire naître cette « magie » qui permet à chacun·e et au groupe de donner le meilleur d’eux-mêmes, au service du bien commun. Merci l’IC et merci les principes source !

NOTES

  1. Je m’inspire largement du livre de Stefan Merckelbach, Le petit livre rouge sur la source, éditions Aquilae, 2019. Merci à lui. ↩︎
  2. Guibert del Marmol, « Boussole pour une nouvelle terre », podcast Le Cap, via ce lien ↩︎

PHOTOS : Pixabay, A&B. Thiran

POUR APPROFONDIR

Vous trouverez sur https://www.m-h-d.be/sept-cles-de-la-transition

  • Une présentation des 7 clés de la transition et un schéma résumé
  • L’accès à tous les articles que j’ai déjà publiés sur le sujet
  • La possibilité de télécharger gratuitement un E-book… une mise en bouche !

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L’auteur

Benoit Thiran

Benoit Thiran

Benoit Thiran, marié, père de 3 enfants, ingénieur commercial et de gestion, a derrière lui 29 années d’expérience professionnelle en gestion des relations et du changement, formation et coaching dans des secteurs très variés (multinationale, développement, non marchand, PME, projet BeLEAN à la SNCB). Il a une expérience particulière dans l’accompagnement des périodes de turbulences qui font partie du processus de transition pour aider les personnes et les groupes à découvrir le potentiel d’évolution qui s’y cache ! https://www.m-h-d.be/

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