Une autre définition de la violence

par | 26 Avr 2024 | Communication, Développement personnel, Non-violence active | 0 commentaires

Il y a quelques jours j’écoutais une interview du philosophe Martin Steffens. Quand la journaliste lui a demandé de donner une définition de la violence, sa réponse m’a interpelé. D’abord sur la violence de notre monde. Ensuite et surtout, sur ma propre violence.

Un chemin de non-violence

Cela fait une dizaine d’années que la question de la non-violence s’est posée pour moi de façon plus significative. Les enseignements de Marshall Rosenberg approfondis par Isabelle Padovani, m’ont ouvert les yeux sur la violence des relations dont j’étais tantôt acteur, tantôt témoin. Ils m’ont surtout proposé une autre voie, celle de la CNV (Communication Non-Violente). Ce fut une première étape décisive pour moi avec un impact fort sur ma façon d’être en relation avec d’autres et avec moi-même.

Ce qui m’a particulièrement marqué dans la CNV, c’est d’une part, ma responsabilité : je suis responsable de mes émotions et de mes besoins. C’est donc à moi d’en prendre soin.

L’autre étape essentielle pour moi fut la découverte des « deux jeux de la vie ».

  • Le jeu du chacal (pour reprendre l’image de Marshall Rosenberg), à savoir « Qui a raison, qui a tort » où la communication a pour intention d’imposer à l’autre mon point de vue, mes solutions, mes idées.
  • Le jeu de la girafe : « Donner et recevoir ». Je partage mes idées, « ma vérité », mon ressenti, mes besoins, mes demandes et j’accueille librement les idées, la vérité, le ressenti, les besoins, les demandes de l’autre. Je donne sans attendre en retour et je reçois sans me sentir endetté (ça c’est l’idéal à poursuivre). C’est, ce que j’appelle le jeu de l’amour.

La NOVA (NOn-Violence Active)

Deux années plus tard, j’ai rencontré Benoît et Ariane Thiran qui ont voué leur vie à approfondir, à pratiquer et à enseigner la NOn-Violence Active (NOVA) : un chemin, jamais fini, pour sortir de la violence sous ses différentes formes.

Non au fait de répondre à la violence par la violence (la contre-attaque).

Non au fait de fuir ou de s’écraser face à la violence (la passivité ou la fuite).

Parce qu’il existe une troisième voie, celle empruntée par Gandhi, Martin Luther King, Jésus et bien d’autres.

La Roue du Changement de Regard (*) (RCR) est un outil extraordinaire pour comprendre « où commence la violence » dans notre vie quotidienne, et entrer dans cette troisième voie, l’intégrer et la pratiquer dans nos relations. Benoît a déjà abordé à plusieurs reprises la NOVA et la RCR dans plusieurs articles de ce blog (voir liens au bas de cet article).

Un rapport sans relation

Pour Martin Steffens, le philosophe que j’évoquais au début de cet article

« La violence est un rapport sans relation »

Martin Steffens

Cette définition renvoie immédiatement au viol.

Si je m’arrête là, je risque de ne pas me sentir concerné et de rater tout ce qu’elle peut m’apporter. Or, en entendant cette phrase, une petite voix me dit qu’il y a beaucoup plus, beaucoup plus pour moi.

A chaque fois que je suis en contact avec une personne sans entrer en relation avec elle, je sème de la violence. Si je vais dans un magasin et que je passe à la caisse en ignorant la personne qui scanne mes courses, je lui fais violence. Si j’oublie de dire bonjour, si je ne regarde pas dans le yeux avec humanité ce SDF qui me demande un coup de main, si j’ignore ce que dit un collègue en lui coupant la parole, si … A chaque fois que par mon attitude, je ne reconnais pas l’humanité de cet autre avec lequel je suis pourtant en rapport, je suis violent.

J’ai aussi pris le temps de revisiter mes rapports en famille. Là, aussi, si je veux être honnête, je constate que je ne suis pas toujours en relation. C’est bien sûr plus facile quand tout va bien. Même si, avec les années, une routine peut s’installer et l’attention à l’autre disparaitre petit à petit. Par contre, quand c’est inconfortable, c’est beaucoup plus difficile de « rester en vraie relation ». J’aime mon épouse et mes enfants, pourtant, même avec eux, la relation peut devenir un « rapport » sans relation.

Entrer en relation

Cette phrase me pousse à être particulièrement attentif à toutes mes rencontres afin de ne plus jamais oublier d’entrer en relation. Souvent un simple regard ou un geste suffit.

Pour « être en relation », il ne s’agit pas de mettre sous le tapis ce qui me dérange chez l’autre (son rayé en langage de la RCR) ou ce qui dérange l’autre chez moi (mon rayé), mais bien au contraire d’établir une relation vraie basée sur un échange qui passe par les 4 quadrants de la roue :

comment cela résonne-t-il dans vos vies ?

Comme disent Benoît et Ariane :

« Être non-violent, ce n’est pas ne jamais être violent,
c’est devenir de plus en plus conscient de sa propre violence
et ne pas chercher à la justifier. »

Benoît et Ariane Thiran

Au boulot

L’augmentation continue du nombre de personnes en incapacité de travail pour des raisons psychiques n’est-elle pas le symptôme d’un environnement de travail ressenti par beaucoup comme violent ? Personnellement, j’en suis convaincu. La définition donné par Martin Steffens éclaire cette réalité et en donne les racines.

Le critère numéro un des équipes qui cartonnent tant au niveau des performances qu’au niveau du bien-être, c’est la sécurité psychologique (voir l’article « Qu’est-ce qui rend une équipe vraiment efficace ? »).

Cette sécurité psychologique qui me permet d’être moi-même, de poser des questions et de donner mes idées sans avoir peur de me sentir jugé et en sachant que je serai écouté, d’oser parler de mes erreurs et de mes échecs en sachant que l’équipe sera là pour moi, c’est précisément un environnement non-violent.

Si vous êtes dirigeant ou manager, je vous invite à façonner avec vos collaborateurs une culture de non-violence. Une culture où chacun est invité à prendre conscience de sa propre violence et à lui dire non. Une culture où les collègues peuvent s’interpeller entre eux avec bienveillance à chaque fois que la violence pointe son nez. Contactez-nous, si vous voulez de l’aide pour instaurer une telle culture.

Le contraire de la violence

Plutôt que de se concentrer sur ce qu’il ne faut éviter, il est beaucoup plus efficace de décider ce que nous voulons faire. A force de regarder le précipice pour ne pas y tomber, je risque d’y sombrer faute de me concentrer sur le chemin que je veux réellement emprunter.

Si la violence est ce qui déshumanise, si elle consiste à regarder ou à traiter l’autre comme un objet ou carrément à l’ignorer, que serait son contraire ?

La paix ? Avec les guerres qui font rage pour le moment, c’est peut-être le premier mot qui vous vient à l’esprit.

Personnellement, je choisis l’amour, ce don gratuit de soi et l’accueil libre de l’autre sans vouloir le changer (avec son transparent et son rayé). Aimer l’autre, c’est peut-être avant tout reconnaitre son humanité, son unicité, le fait qu’il soit irremplaçable.

Il y a bien longtemps, un certain Jésus a invité ses disciples à aimer ses ennemis. Mais alors, si j’aime mes ennemis, peuvent-ils encore être mes ennemis ? L’amour serait-il donc toujours plus fort que la violence ?

Que votre journée soit belle,

Pierre

(*) La Roue du Changement de Regard, imaginée par Bruno et Isabelle Eliat-Serck, est expliquée en détails dans le livre « Oser la relation… exister sans écraser« , Bruno et Isabelle Eliat-Serck , coédition Chronique Sociale et Fidélité, 2006

Liens :

© Photos : Jackie Chance

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L’auteur

Pierre de Lovinfosse

Pierre de Lovinfosse

Coaching individuel, de groupe et formations. Il s’est donné pour mission d’aider les dirigeants à mettre leur entreprise au service de l’humain : l’entreprise comme ressource pour l’humanité, plutôt que l’homme comme ressource pour l’entreprise. Il s’intéresse tout particulièrement à la problématique du leadership qui constitue son sujet principal de coaching et de formations. https://www.effatacoaching.com

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