Comment nos préjugés et nos émotions nous jouent des tours

par | 27 Juin 2023 | Changement collectif, Décider, Développement personnel, Dynamique humaine, Motivation | 2 commentaires

Laissez-moi vous raconter ce que nous avons vécu récemment avec Léa et Chloé, deux petites filles perdues… Une expérience marquante, qui nous a ébranlé ! La vie nous enseigne combien nos émotions et nos préjugés peuvent nous entraîner bien loin de ce qui donne vie !

Nous partions à vélo pour passer la soirée chez des amis. Un imprévu nous avait retardé, nous leur avions communiqué que nous arriverions 30 à 45′ plus tard. Nous descendions une large avenue, dans un beau quartier, désert. Il y avait encore du soleil. Une femme, qui avait l’air d’une Rom ou d’une Indienne, me fait un signe… et, un peu plus loin, un homme, probablement son mari, me fait signe aussi. J’avais entraperçu deux enfants avec eux.

La méfiance face aux Roms, aux pauvres… à ceux qui sont différents

Je me suis dit : « Une famille qui va probablement me demander quelque chose… de l’argent ?… Je n’ai pas le temps de m’arrêter. » Ariane, ma femme, qui me suivait, a vu leur insistance et s’est arrêtée. Les deux étrangers, plus indiens que Rom, ne parlaient pas un mot de français. L’homme baragouinait quelques mots d’un vague anglais. Ils accompagnaient deux petites filles, Léa et Chloé, 5 et 4 ans, belges… elles étaient perdues. La plus petite pleurait. La grande essayait d’être courageuse. Nous nous sommes mis à leur hauteur, les avons écoutées… Nous avons reformulé et légitimé leur grande peur, nommé leur courage… essayant de reconstituer les évènements. En revenant de la plaine de jeux, elles avaient perdu leurs grands-parents… et n’avaient plus aucune idée d’où elles étaient. La description de la maison des grands-parents et de la plaine de jeux ne nous aidait pas à les situer. Nous leur avons dit que nous ne les laisserions pas tant qu’elles n’auraient pas retrouvé leurs grands-parents. N’ayant aucune idée par où aller, nous avons décidé d’appeler la police.

La peur de la police

Ce simple mot a redéclenché en elles une panique… La peur de la police !
Avant d’appeler, nous avons pris le temps de leur expliquer que la police allait nous aider à retrouver leurs grands-parents. Nous avons appris par la suite que la police, les grands-parents et leurs voisins, les cherchaient déjà depuis plus de 25 minutes. Plusieurs voitures de police patrouillaient et ils étaient sur le point de lancer une recherche par hélicoptère.

Quand nous avons entendu la sirène au loin, puis vu le gyrophare, le couple d’Indiens nous a fait un signe de la tête qu’ils partaient… ils pleuraient tous les deux, profondément touchés par les deux petites filles perdues. J’ai vu dans leurs yeux qu’ils préféraient s’en aller. Je les ai vus s’éloigner lentement, le corps lourd.

J’ai pensé plus tard, à ce qui aurait pu se passer s’ils avaient été retrouvés seuls avec les petites filles… Très probablement, auraient-ils été interrogés très différemment, alors que nous ne l’avons pas été…
Quelques instants, nous avons essayé de nous mettre dans la peau de tous ces étrangers et de tous ceux dont notre société a tendance à se méfier… Quelle injustice !
Ils ont osé prendre ce risque pour Léa et Chloé !
Et nous, prendrions-nous un risque pour eux ?

Les policiers sont arrivés très vite. Nous avons été impressionnés par leur attitude. Le premier est sorti de la voiture avec un grand sourire, très calme, il s’est mis à la hauteur des petites filles, en restant à une certaine distance et leur a dit : « Léa et Chloé, vous êtes là… nous sommes contents de vous trouver. Nous allons vous ramener chez vos grands-parents. » Nous avons dit à Léa et Chloé que nous n’allions pas les laisser. Ariane est allée, dans la voiture de police, jusque chez les grands-parents.

Que ce soit par rapport à ces étrangers ou aux policiers, tout part de notre regard. J’ai écrit un article sur ce thème qui montre comment il ferme ou ouvre nos relations. Il nous indique aussi « où commence la violence », celle qu’en général nous ne voyons pas. La plupart d’entre nous aspirent à des relations vraies et donneuses de vie et à diminuer la violence dans notre monde… La première étape est la prise de conscience de ce qui se joue dans notre regard, avant nos mots et nos actes : vous trouverez dans cet article un levier puissant et des moyens concrets pour expérimenter des changements importants dans votre environnement.

Envahit par nos propres émotions, nous passons complètement à côté de ce que vit l’autre

Sur le chemin, la voiture dépasse le grand-père à vélo et s’arrête. Celui-ci s’approche de la fenêtre, le visage tendu et deux doigts accusateurs tendus vers ses petites filles, très fâché… l’air de dire : « vous allez voir ! » Les petites filles sont instantanément paralysées, figées, comme gelés. Quand la voiture redémarre, l’aînée répète en boucle tout bas : « J’ai peur… J’ai peur… J’ai peur… » À sa première frayeur d’être perdue, se rajoutaient celles des réactions des adultes ! La voiture arrive devant la maison en même temps que la grand-mère qui est aussi à vélo. Elle ne descend pas de son vélo, ne les prend pas dans ses bras… Elle leur dit sur un ton de reproche : « Vous auriez dû écouter votre grand-père… Il vous a dit de ne pas courir ! Allez dans la maison ! »
Ariane l’interpelle : « Vous avez surement eu très peur, madame… elles aussi, elles étaient terrorisées, elles ont besoin d’être réconfortées. Vous êtes des adultes, elles sont des enfants. » Le grand-père arrive furieux. Une voisine, qui a entendu Ariane, prend le relai et l’interpelle. Il répond : « D’accord, mais il faut surtout mettre les choses au point. Il faut qu’elles comprennent. » Ariane rajoute : « Oh oui, pour comprendre, elles ont compris ! Elles ne sont pas près d’oublier. Maintenant, elles ont surtout besoin de réconfort ! »

Dans la voiture des policiers qui ramènent Ariane, ils échangent : la réaction des grands-parents les choque aussi… surtout pour les petites filles ! Bien sûr, les grands-parents ont eu très peur de les perdre, voire même qu’elles soient enlevées. Probablement aussi se sentaient-ils très mal par rapport à leur responsabilité vis-à-vis des parents. Et, peut-être aussi fautifs, voire honteux face aux voisins, aux policiers et aux autres passants ? Bref, les déclencheurs de très fortes émotions ne manquaient pas ! Mais, ils les rendaient aveugles à ce qui se tramait en cet instant pour leurs petites filles profondément traumatisées…

Les policiers rassurent Ariane : « Une équipe spécialisée dans ce type d’intervention va rester suffisamment longtemps pour accompagner les grands-parents et les petites filles. »

Combien de fois sommes-nous comme ces grands-parents, prisonniers de nos propres émotions ?
Aveuglés au point d’être incapables à cet instant de nous ouvrir à la réalité de l’autre ?
Prisonniers de nos préjugés ou de notre course, comme je l’ai été ?
À chacun·e de se poser la question…


Merci à ce couple d’Indiens, eux qui vivent ce que c’est que d’être perdu, de se sentir seul, quand on n’a plus de repères… Ils ont vu les petites filles, ils ont pris le temps, ils ont été là.
Merci à Ariane. Merci à la police…

Je ne suis pas près d’oublier cette expérience qui m’invite à revisiter les pistes concrètes (voir ci-dessous dans « Pour approfondir ») qui me permettraient à l’avenir d’agir autrement…
Et, j’espère que cette semence déposée en moi se transmettra avec beaucoup de fécondité à vous qui me lisez…
N’hésitez pas à la transmettre à votre tour !

Benoît

Photos : Pixabay et Unsplash

POUR APPROFONDIR

Vous trouverez sur https://www.m-h-d.be/sept-cles-de-la-transition

  • Une présentation des 7 clés de la transition et un schéma résumé
  • L’accès à tous les articles que j’ai déjà publiés sur le sujet
  • La possibilité de télécharger gratuitement un E-book… une mise en bouche !

2 Commentaires

  1. Avatar

    Quel beau témoignage. Que c’est bien relaté et expliqué pour y trouver ce qui fait vivre
    Bravo Benoît ( et Ariane)
    j’en pleure d’émotion
    François

    Réponse
  2. Avatar

    Merci Benoît pour ton beau récit plein d’enseignements. Merci Ariane de t’être arrêtée.
    Et bénédiction à ce couple d’Indiens.

    Réponse

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L’auteur

Benoit Thiran

Benoit Thiran

Benoit Thiran, marié, père de 3 enfants, ingénieur commercial et de gestion, a derrière lui 29 années d’expérience professionnelle en gestion des relations et du changement, formation et coaching dans des secteurs très variés (multinationale, développement, non marchand, PME, projet BeLEAN à la SNCB). Il a une expérience particulière dans l’accompagnement des périodes de turbulences qui font partie du processus de transition pour aider les personnes et les groupes à découvrir le potentiel d’évolution qui s’y cache ! https://www.m-h-d.be/

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