Ouvrir une brèche dans les blocages
Que faisons-nous quand des résistances, des échecs, l’impuissance, la souffrance ou une forme de mort se mettent en travers de notre chemin ?
Nous abordons la dernière étapes du chemin des 7 clés de la transition : comment vivre le cycle mort/vie.
Je vous propose de nous mettre à l’écoute de la nature à travers une expérience que j’ai vécu cet été.
Je vais régulièrement me poser dans la forêt de Soignes contre « mon ami hêtre ». Depuis le printemps et jusque fin août, assis sur le sol, je me trouvais en dessous de la « mer de fougère » qui l’entoure. Lors de ma dernière visite, je regardais les fougères qui commençaient à sécher et ployer. Je me suis mis à l’écoute de ce qu’elles avaient à me dire. Elles m’ont parlé de cycle, de mort et de vie, de visible et d’invisible…
« Nous n’avons plus les ressources pour continuer à verdir et à grandir. Nous avons reçu et donné ce qui était à notre portée… C’était bon ! Maintenant, nous diminuons petit à petit… Nous allons laisser la place pour que du neuf puisse voir le jour… «
J’ai vu une feuille tomber, j’ai levé les yeux vers la canopée…
J’ai pensé aux milliards de feuilles de cette forêt qui vont bientôt aussi sécher et tomber.
J’ai pensé aux racines des fougères et des arbres, à ce qui est invisible à nos yeux, mais qui continue à porter la vie… J’ai pensé à la nouvelle « mer de fougère » et aux milliards de nouvelles feuilles que j’accueillerai avec joie et délectation au printemps prochain !
J’ai pensé aux milliards d’êtres vivants (pas seulement humains), aux organisations et entreprises, à notre société occidentale qui s’essoufflent, par manque de ressources, en cette fin de cycle…
J’ai senti la nécessité de ce passage, le besoin de ce que nous appelons « mort » (même si ce mot fait peur), pour que la vie se régénère et puisse continuer son voyage…
Qu’est-ce que cela veut dire concrètement pour nous aujourd’hui ?
Comment vivre cette transition, ce cycle mort/vie dans notre quotidien ?
Que ferions-nous ?
J’ai été touché par l’attitude de Sam, pédiatre et personnage principal du roman de Guillaume Musso, « Sauve-moi »1. Au-devant de la mort certaine de la femme de sa vie, récemment rencontrée et enceinte de leur bébé, il prend deux décisions qui vont dans le même sens :
- donner sa vie pour sauver celle de sa femme et son bébé
- verser tout l’argent qu’il possède sur son compte pour sauver la vie d’une de ces jeunes patientes, droguée et en danger de mort, qui a besoin d’une cure très chère.
Il ne pense plus à se sauver, il donne… Il veut que la vie passe !
Tout ce à quoi il était attaché auparavant semble avoir perdu son pouvoir.
Je vous propose de choisir une situation concrète où des résistances, des échecs, l’impuissance, la souffrance ou une forme de mort se mettent en travers de votre chemin et de vous poser les questions :
- Que feriez-vous si vous saviez que vous alliez mourir demain ?
- Quels actes ou paroles voudriez-vous léguer à vos proches, vos collègues, votre entreprise, à notre monde ?
Si nous ne nous laissons pas obnubiler, paralyser par elle, la mort met devant nous la question de la vie.
Élargir notre horizon
Depuis avril 2019, j’ai écrit 16 articles sur les « 7 clés de la transition », une sorte de chemin initiatique pour nous accompagner dans notre traversée personnelle, intérieure et relationnelle. Cet article et les suivants vont se pencher sur la dernière et 7ème clé… Il est important de la resituer dans l’ensemble des étapes de ce chemin de transition et des évolutions auxquelles nous sommes invités à l’aide des outils proposés.
Dans ce chemin initiatique, il y a une progression. Les 7 clés peuvent être regroupées en 3 grandes étapes, comme on le voit sur le schéma ci-dessous.
- Les trois premières clés font partie de l’élan initial. Au départ, il y a effectivement un enthousiasme, une énergie qui nous pousse vers l’avant, la sensation de faire des pas importants pour l’avancée de la transition intérieure et extérieure à laquelle nous désirons contribuer.
- Les 4ᵉ, 5ᵉ et 6ᵉ clés interviennent durant les contractions de la transition. Une phase durant laquelle nous faisons face à des énergies de résistance, en nous et autour de nous. Nous avons l’impression qu’elles freinent notre progression, voire qu’elles vont la stopper. Nous sommes confrontés à notre vulnérabilité. Nous sommes parfois tentés de laisser tomber et/ou nous ne savons plus comment nous y prendre. La réalité est que nous traversons un passage chaotique, inconfortable. Quand nous l’aurons franchi, nous serons émerveillés du chemin parcouru, nous aurons vécu le pouvoir de la vulnérabilité, la Bonne Puissance.
- La 7ᵉ clé correspond au passage qui contient en lui les énergies de la souffrance/la mort et celles de la joie/la vie !
Quelques repères pour rester acteur
1ᵉʳ repère : découvrir où se trouve le lieu privilégié d’accouchement de la Vie
Je rappelle ici que la violence est par définition tous les actes qui détruisent, d’une façon ou d’une autre, la personne, la relation, le groupe, le projet, la société… La violence commence bien avant ce que nous nommons d’habitude violence. Je l’ai développé, avec la Roue du Changement de Regard qui nous donne un repère clair d’où commence la violence, dans mes trois articles de la 2ème clé2. Nous avons également vu dans l’article précédent3 que le lieu de la violence, ce lieu dont nous avons si peur, est le lieu par excellence où le potentiel de retournement de « la vie qui s’en va » vers « la vie qui vient » est de très loin le plus fort. Ce lieu que nous ne cessons d’éviter est le lieu où réside justement la libération que nous espérons à travers notre transition.
Nous sommes comme le bébé : plus il se rapproche de l’expulsion, plus il croit qu’il est en train de mourir… mais lui n’a pas d’autre voie possible !
2ᵉ repère : prendre soin des personnes
Dans la turbulence et face à la violence, le risque est de prendre peur ou de me mettre en colère et d’agir sous ces impulsions. Il est alors très important de ne surtout pas rentrer dans la réaction impulsive qui risque de me faire tomber dans l’escalade. La première réponse non-violente, la plus basique, enclenche une dynamique totalement différente : prendre soin des personnes, de moi-même et des autres…
Pour moi-même, aller chercher les lieux et les personnes qui seront capables d’être tout simplement présents à moi, sans vouloir solutionner quoi que ce soit.
Pour les autres, avoir cette qualité de présence qui rejoint l’autre dans sa vulnérabilité.
Ce n’est pas le moment de vouloir me défendre (je suis tout transparent), ni d’accuser l’autre (tu es rayé)4. Pas le moment de vouloir « me sauver ou sauver l’autre », parfois la seule attitude possible est la présence bienveillante… Même si ce n’est pas une solution, cela change tout !
Mon « faire » consistera à « être là ». Etty Hillesum
Journal d’Etty Hillesum, 30/9/1942, Cahier 11, p. 742
3ᵉ repère : prendre soin de l’unité du groupe
Quand la crise suscite une tempête dans l’entourage immédiat, chacun risque d’être pris par ses réactions impulsives ou ses solutions… et souvent le groupe s’effrite. L’attitude non-violente appropriée est de prendre soin de l’unité du groupe.
Il s’agit d’une attitude de service :
se faire petit plutôt que de se positionner au-dessus des autres,
se donner, continuer à s’engager personnellement, à oser prendre un risque même si les autres ne le font pas, à choisir la Vie même si on risque de souffrir… se donner pour prendre soin de l’unité plutôt que d’accuser et d’exclure… prendre soin des autres, de tous, sans exception !
4ᵉ repère : traverser l’angoisse et l’impuissance
Il y a aussi un passage où nous sommes confrontés à la solitude : la traversée de l’angoisse et de l’impuissance ! Comment prendre soin de soi ?
Tout d’abord, en permettant à mes sensations corporelles de se développer jusqu’à leur atténuation (cf. TIPI dans la clé 45 ).
Ensuite, en accueillant mon vécu profond, en mettant des mots sur mes sentiments, mes besoins et ma soif la plus profonde, mon désir… en laissant jaillir mon cri, mes sentiments d’angoisse et d’impuissance, mon besoin de sécurité, d’être guéri de mon aveuglement… Les nommer, les écrire ou les crier rejoint la démarche de médiation symbolique, qui permet de les sortir de moi, dont nous avons parlé dans la 5ème clé, « Découvrir ma puissance en temps de crise »6 .
Il y a dans cet accueil de mon vécu deux mouvements : l’un de conscientisation et d’expression,
et l’autre de consentement. Consentir à la vie plutôt que de résister à la mort. Notamment, en refusant le dialogue avec les petites voix de mort en moi et en faisant mémoire des petites voix de Vie (cf. 6e clé7).
Enfin, il y a ici une démarche de confiance dans la Vie, dans l’Âme du monde…
Un lâcher-prise où on accepte de ne plus contrôler…
Même si je souffre, si j’ai l’impression d’être en train de mourir, si je n’ai aucune garantie sur le résultat final, je choisis la voie de la vie, c’est-à-dire celle qui sème la vie et non la mort ! Je peux alors découvrir une force nouvelle et inattendue qui s’offre à moi…
En résumé, prendre soin des personnes, de l’unité du groupe, consentir à la vie plutôt que résister à la mort, sont autant d’attitudes qui me permettent de rester acteur, de ne pas me résigner, ni d’abandonner, de continuer à choisir la vie jusqu’au bout… et ainsi, d’ouvrir une brèche au sein des turbulences de la traversée.
NOTES
- Guillaume Musso, « Sauve-moi », Pocket, 2005 ↩︎
- https://le-blog-des-leaders.com/2eme-cle-de-la-transition-regard/ ↩︎
- https://le-blog-des-leaders.com/6eme-cle-petites-voix-interieures/ ↩︎
- https://le-blog-des-leaders.com/2eme-cle-de-la-transition-violence/ ↩︎
- https://le-blog-des-leaders.com/4eme-cle-apprivoiser-mes-dragons/ ↩︎
- https://le-blog-des-leaders.com/5eme-cle-decouvrir-ma-puissance-en-temps-de-crise/ ↩︎
- https://le-blog-des-leaders.com/6eme-cle-petites-voix-interieures/ ↩︎
PHOTOS : Unsplash et B. Thiran
POUR APPROFONDIR
Vous trouverez sur https://www.m-h-d.be/sept-cles-de-la-transition
- Une présentation des 7 clés de la transition et un schéma résumé
- L’accès à tous les articles que j’ai déjà publiés sur le sujet
- La possibilité de télécharger gratuitement un E-book… une mise en bouche !
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