J’observe deux évolutions parallèles dans notre culture aujourd’hui :
– D’une part, un mouvement pour devenir plus soi-même,
– Et d’autre part, une accélération du temps.
Je vais tout d’abord préciser ces deux évolutions. Ensuite, j’ouvrirai trois pistes de réflexion : une individuelle, une pour les entreprises ou organisations et une concernant la coconstruction et collaboration en réseau.
Un mouvement pour devenir plus soi-même
Il n’y a pas si longtemps, aller chez un psychologue ou un coach était vu par beaucoup comme le signe d’un problème ou d’une faiblesse, voire d’une perte de temps. Les coachs étaient peu nombreux et se concentraient sur les hauts potentiels, le sport, etc. Bref, des domaines très ciblés.
Notre culture ne valorisait pas le développement personnel. L’idée de chercher son vrai moi, sa mission de vie n’était que très marginalement répandue et pas valorisée.
On pourrait, un peu caricaturalement, illustrer cette culture par le slogan « Marche, ne te pose pas trop de questions existentielles et sois content ».
Depuis quelques décennies, une série de phénomènes a modifié petit à petit cet aspect de notre culture.
D’un côté, les évolutions et découvertes des sciences humaines, un discours de plus en plus répandu dans les médias et les conversations quotidiennes, la multiplication de formations en développement personnel, de multiples approches et outils, un accès beaucoup plus aisé et moins stigmatisé aux thérapeutes et coachs.
D’un autre côté, l’augmentation du mal-être, du manque de sens, de la sensation d’être sous pression, se traduisant par des dépressions et burnouts de plus en plus fréquents.
Ces réalités diverses ont créé une réelle ouverture à être à l’écoute de notre corps, de nos émotions, de nos besoins, à prendre du temps pour soi, et à développer des relations plus vraies et harmonieuses, à oser des choix qui permettent de devenir plus soi-même, de faire une place à des activités qui développent l’intériorité, telles que la méditation, la pleine conscience, le Taï-chi, le Yoga, etc.
Aujourd’hui, la parole « Va vers toi », qu’entendit Abram, patriarche pour les juifs, les musulmans et les chrétiens, qui le fit se mettre en marche, imprègne de plus en plus notre culture et nos vies personnelles.
« Deviens qui tu es et fais ce que toi seul peut faire »
Nietzsche
Une accélération du temps
Dans mon dernier article, « Relâcher la pression… Golden pauses« , de février 2023, je partais du constat : « Nos journées ressemblent de plus en plus à des courses contre-la-montre où chaque instant est consacré à une tâche précise qui doit être réalisée dans un temps limité ». Les causes et symptômes de cette accélération sont multiples : smartphone, réseaux sociaux et outils de communication qui rendent possible une communication immédiate, internet qui nous permet d’avoir une information instantanée, de développer des compétences, d’acheter un bien depuis chez soi et dans un temps record, les multiples sollicitations et propositions qui ne cessent de nous atteindre, l’optimisation au travail pour utiliser de manière efficace chaque minute, les fameuses To Do lits… et j’en passe.
Le temps s’accélère ! C’est en partie une évolution de la culture dans laquelle nous sommes immergés. Et en même temps, nous y participons et l’entretenons car souvent, nous sommes inconscients de cette conséquence. C’est aussi dû à notre difficulté à choisir, à notre besoin de FAIRE et notre malaise si nous ne faisons rien.
Toujours est-il que cette accélération nous met tous, consciemment ou non, sous pression et augmente notre charge mentale, physique et émotionnelle.
Quelques pistes de réflexion à partir du constat de ces deux évolutions…
Une injonction paradoxale
Ces évolutions nous mettent chacun·e dans une situation contradictoire. En psychologie, une injonction paradoxale est une double contrainte, un message comportant deux affirmations ou consignes incompatibles, qui s’opposent.
D’un côté | De l’autre |
Faire Vite/rapide Efficacité Réaliser/délivrer Centré sur le résultat Être conforme/à la hauteur Etc. | Être Prendre le temps Prendre soin Ecoute corps, émotions et besoins Centré sur le chemin/voyage Être soi Etc. |
Il ne s’agit bien évidemment pas de choisir un des deux côtés. Il ne faudrait surtout pas tomber dans le « OU l’un… OU l’autre » … Il s’agit plutôt de :
- regarder l’interaction entre les deux,
- conscientiser le risque d’injonction paradoxale,
- faire des choix pour donner à chaque voie sa juste place.
Je vous propose de vous arrêter 2 minutes pour choisir un premier pas pour concilier ces deux parts de votre vie, un pas qui vous donne envie…
Je parle d’un pas concret et non pas de solution. Souvent, nous ne voyons pas de solution Par contre, chercher un premier pas est toujours possible. Cela nous gardera ouvert et attentif à tous les signes et points de vue pouvant nous aider pour la suite. Et si ce pas concret ne donne pas le résultat escompté, nous aurons appris quelque chose d’utile pour la recherche du pas suivant.
Avant de poursuivre votre lecture, je vous propose d’écrire votre pas concret.
À titre d’exemple, se fixer dans son agenda un rendez-vous régulier avec soi-même, une forme de rituel, d’espace sacré et réservé… et si ça vous dit, tenter de ne « rien faire » ! Vous récolterez les bénéfices que j’ai abordés dans mon article « Relâcher la pression… Golden pauses » : votre cerveau active le « réseau du mode par défaut » [1], cela vous permet de gagner beaucoup de temps, de clarté, de justesse relationnelle, d’ouvrir de nouveaux horizons et de ne pas épuiser votre « muscle effort ».
Une situation de plus en plus difficile à gérer en entreprise/organisation
Une directrice me disait : « Je dois de plus en plus m’occuper de problèmes de Relations Humaines. Ça prend de plus en plus de place, trop… mon rôle et ma profession ne sont pas d’être psychologue, médiatrice, coach en gestion de conflit, ni assistante sociale« . Un exemple parmi beaucoup d’autres, vu ici du point de vue d’une dirigeante.
Du côté des employés, j’entends souvent des mots tels que manque d’écoute, d’espace de recul, de temps, de sens… pression, stress, essoufflement… « Je suis devenu pompier, géré par les urgences et presque plus par les vraies priorités« …
La conjonction du mouvement pour devenir plus soi-même et de l’accélération du temps semble produire un effet de spirale, le plus souvent descendante.
Si vous vivez cela sur votre lieu de travail, je vous propose de vous arrêter 2 minutes pour choisir à nouveau un premier pas concret que vous pourrez proposer à vos collègues ou vos responsables, là où ce sera opportun. Écrivez-le.
A titre d’exemple, la directrice, dont j’ai parlé, a choisi 2 pas concrets :
- Oser mettre des mots sur cette problématique et sur son vécu avec son équipe, puis faire un tour d’expression de chacun·e.
- Commencer avec eux l’élaboration de ce qu’elle appelle un « protocole RH » : avec qui se traitent ces questions (se répartir les tâches), où, quand, comment…
Une limitation de notre capacité à coconstruire et faire réseau
Combien de fois ai-je facilité ou participé à des sessions où plusieurs acteurs, de différents services d’une même entité ou de différentes organisations, voulaient coordonner leurs actions en vue d’un but commun. Ces sessions, en intelligence collective, ont sans exception généré beaucoup d’idées et de pistes concrètes, des bonnes intentions et même souvent des groupes de travail pour les réaliser. On a pu sentir une énergie commune, rayonnante et enthousiaste…
Malheureusement, très peu d’idées et projets aboutissent. La plupart du temps, elles viennent s’ajouter à la pression générée par les deux évolutions que nous avons identifiées en début d’article… Elles se rajoutent aussi aux autres idées et projets qui ne manquent pas de les précéder et les suivre. A nouveau, seule une prise de conscience et un choix délibéré peuvent nous aider… Auxquels il est indispensable d’ajouter un cadre clair : nous ne commençons pas de nouveau projet avant d’avoir terminé le précédent.
Si vous êtes engagé dans des espaces de coconstruction ou de réseau, je vous propose de vous arrêter 2 minutes pour choisir à nouveau un premier pas concret que vous pourrez proposer à vos partenaires. Écrivez-le.
En conclusion
Le mouvement pour devenir plus soi-même et l’accélération du temps que nous vivons, produisent une injonction paradoxale au niveau personnel, une situation de plus en plus difficile à gérer en entreprise/organisation et une limitation de notre capacité à co-construire et faire réseau.
Un peu comme si nous montions un escalier marche après marche, nous pouvons commencer par en prendre conscience et choisir le pas concret suivant que nous pouvons et voulons poser. Ces deux premières actions ont le potentiel de nous aider à sortir de ce dilemme tellement destructeur, pour nous personnellement, pour notre entreprise et dans notre société actuelle.
Nous avons chacun·e le pouvoir d’ouvrir une brèche, de montrer qu’il existe un passage…
Bon voyage !
Benoît
Notes :
[1] Inspiré de l’article dans la revue « Cerveau & psycho », n° 84, janvier 2017, p 52-57
Photos : Pixabay et revue « Cerveau & psycho », n° 84
POUR APPROFONDIR
Vous trouverez sur https://www.m-h-d.be/sept-cles-de-la-transition
- Une présentation des 7 clés de la transition et un schéma résumé
- L’accès à tous les articles que j’ai déjà publiés sur le sujet
- La possibilité de télécharger gratuitement un E-book… une mise en bouche !
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